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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 5.djvu/153

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même de continuer ta culture. — Et, s’adressant à l’un de ses hommes : — Que l’on emmène la femme et les enfants de Sébastien… Justement le juif Mardochée se trouve ici.

Bonaïk tâcha d’apitoyer le Frank sur le sort de cette pauvre famille gauloise ; ses supplications furent inutiles. Ricarik continuait d’appeler par leurs noms d’autres colons retardataires, lorsqu’on amena devant lui un jeune garçon de dix-sept à dix-huit ans, qui se débattait vigoureusement contre ceux qui l’entraînaient en s’écriant courroucé : — Laissez-moi ! laissez-moi ! j’ai apporté pour la redevance de mon père trois faucons et deux autours pour le perchoir de l’abbesse. Je les ai dénichés au risque de me briser les os… que voulez-vous de plus ?

— Ricarik, — dit l’un des deux esclaves de l’abbaye qui amenaient le jeune garçon, — nous étions près de la clôture de la cour du perchoir, lorsque nous avons vu un épervier, encore chaperonné, qui venait sans doute de s’échapper des mains du fauconnier. L’oiseau a quelque peu volé ; puis, sans doute empêché par son chaperon, il est allé s’abattre près de la clôture : aussitôt le jeune garçon a jeté son bonnet sur l’épervier, puis s’est précipité à terre pour s’emparer de l’oiseau qu’il a mis dans son bissac. Nous avons alors couru et saisi le larron sur le fait. Voici le bissac ; l’épervier est encore dedans tout chaperonné.

— Qu’as-tu à répondre ! — demanda Ricarik au jeune garçon, qui resta sombre et silencieux. — Tu n’oses pas nier avoir voulu voler l’épervier ? Sais-tu de quelle manière la loi punit le vol de l’épervier ? elle condamne le voleur à payer trois sous d’argent ou à se laisser manger six onces de chair sur la poitrine par l’oiseau (E), or, cette loi, j’ai fort envie de te l’appliquer, elle serait d’un salutaire exemple pour les larrons d’éperviers… Qu’en dis-tu ?

— Je dis, — reprit audacieusement le jeune garçon, — je dis que si notre abbesse du diable, que tu dois représenter au naturel, car je ne l’ai jamais vue, donne en pâture à ses oiseaux de chasse notre