Aller au contenu

Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 5.djvu/209

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cette réverbération, se projetant jusque sur l’eau du fossé, éclaira le fugitif, qui, à demi plongé dans l’onde, se soutenait en s’appuyant des deux mains sur le tonneau flottant. À ce moment, Méroflède, enveloppée de sa mante écarlate à capuchon rabattu, parut au soupirail ; elle se cramponnait à deux des barreaux qu’Amael n’avait pas eu besoin de scier pour se frayer un passage… À la vue du fugitif, l’abbesse poussa un hurlement de rage, et cria par deux fois : — Berthoald ! Berthoald !… — Puis elle disparut, emportant sa lampe avec elle, de sorte qu’au dehors tout fut de nouveau plongé dans l’obscurité. L’apprenti qui attirait le tonneau, effrayé de l’apparition de l’abbesse, se rejeta vivement en arrière et abandonna la corde de sauvetage… l’orfévre, heureusement, la saisit, et au milieu de l’épouvante de tous, amena le baril jusqu’au bord de la fenêtre en disant : — Sauvons d’abord Amael…

Grâce au tonneau qui flottait presque à fleur de la croisée, elle fut facilement escaladée par le prisonnier ; son premier mouvement, en arrivant dans l’atelier, fut de se jeter au cou de sa mère… Tous deux oubliaient le danger dans un embrassement passionné, lorsque l’on frappa fortement à la porte.

— Malheur à nous… — murmura l’un des apprentis, — c’est l’abbesse !…

— Impossible, — dit l’orfèvre ; — pour remonter du cachot, faire le tour du cloître, traverser les cours et venir ici, il lui faut plus de dix minutes.

— Bonaïk, — dit au dehors la rude voix de Ricarik, — ouvre à l’instant la porte…

— Oh ! que faire ! Le réduit au charbon est trop étroit pour y cacher Rosen-Aër et son fils, — murmura le vieillard ; et il répondit très-haut en se tournant vers la porte : — Seigneur intendant, nous sommes au moment de la fonte ; nous ne pouvons la quitter…

— C’est justement à la fonte que je veux assister ! — cria l’intendant. — Ouvre à l’instant…