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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 5.djvu/221

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percé de coups !… Et vous ? où étiez-vous alors, pendant que votre père défendait, avec l’héroïsme de nos aïeux, son foyer, sa liberté, sa famille, où étiez-vous ?… Auprès du chef des Franks, briguant ses faveurs ! ou combattant contre vos frères ! — Amael cacha son visage entre ses mains et répondit par un sanglot étouffé.

— Oh ! par pitié, ne l’accablez pas ! — dit Septimine à Rosen-Aër. — Voyez comme il est malheureux… comme il se repent.

— Rosen-Aër, — ajouta le vieillard, — songez aussi qu’hier, encore favori du chef souverain de la Gaule, et arrivé au comble d’une fortune inespérée, votre fils renonce aujourd’hui à ces faveurs qui l’avaient enivré. Le voici non moins misérable que nous, n’ayant d’autre désir que de retourner vivre d’une vie pauvre et rude, mais libre, dans cette vieille Armorique, berceau de notre commune famille.

— Par Hésus ! — s’écria Rosen-Aër, — ces biens, ces terres, ces faveurs, dons maudits de Karl, mon fils les a-t-il volontairement abandonnés ? Ne l’avez-vous pas, bon père, tiré de ce cachot où, sans vous, il périssait ? Ah ! les dieux sont justes ! Cette fortune, mon fils la devait à une ambition impie… elle lui a été funeste ! Glorifié, enrichi par les Franks, il a été honteusement puni et dépouillé par une femme de leur race !

— Hélas ! — s’écria Septimine en fondant en larmes, — croyez-vous qu’Amael, même au comble de la fortune, n’y eut pas renoncé pour vous suivre, vous, sa mère ?

— L’homme qui a renié sa patrie, sa race, aurait pu renier sa mère !… J’ai maintenant l’horrible droit de douter du cœur de mon fils !

— Maître Bonaïk, — s’écria soudain l’un des apprentis avec un accent de frayeur, — voyez donc là-bas, au tournant de la route, ces guerriers… Ils approchent rapidement : dans peu d’instants ils seront près de nous. — À ces mots du jeune garçon, les fugitifs se levèrent ; Amael lui-même, oubliant un moment la douleur où le