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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 5.djvu/231

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vieillard reprit : — Mes amis, si vous m’en croyez, nous nous remettrons en route. Il nous faudra rudement marcher pour arriver demain soir aux frontières de Bretagne.

— Ma mère, — dit Amael, — appuyez-vous sur moi ; cette fois vous ne refuserez pas l’appui de mon bras ?

— Non ! oh ! non, mon enfant ! — répondit tendrement la Gauloise en prenant avec bonheur le bras de son fils.

— Et vous, bon père, — dit Septimine à l’orfévre, — appuyez-vous sur moi.

Les fugitifs se remirent en marche.

Après avoir marché sans mauvaise rencontre jusqu’à la fin du jour, ainsi que pendant la nuit et la journée suivantes, ils arrivèrent, au lever de la lune, non loin des premières rampes des sauvages et hautes montagnes qui servent de limites et de défense à l’Armorique. La vue du sol natal réveilla, comme par enchantement, chez Bonaïk les souvenirs de sa première jeunesse ; ayant autrefois traversé les frontières avec son père pour aller aux vendanges bretonnes, il se rappela que quatre pierres druidiques colossales s’élevaient non loin d’un sentier pratiqué à travers les roches, et si étroitement encaissé, qu’il ne pouvait donner passage qu’à une seule personne de front. Les fugitifs s’engageant les uns après les autres dans ce passage, commencèrent à gravir sa pente escarpée : Amael marchait le premier. Ce chemin, à peine praticable, serpentait à travers d’énormes blocs de granit d’un gris sombre, dont le faîte était vivement éclairé çà et là par la brillante clarté de la lune, que l’on apercevait parfois du fond de cet obscur ravin. Rosen-Aër, Amael et le vieil orfévre, en foulant le sol de l’Armorique, éprouvaient une émotion profonde, religieuse. Bientôt ils arrivèrent à une sorte de petite plate-forme entourée de précipices, d’immenses rochers la surplombaient. Soudain les fugitifs entendirent, à une grande hauteur au-dessus de leur tête, une voix jeune et sonore qui, vibrant au milieu du profond silence de la nuit, chantait mélancoliquement ces paroles : — « Elle