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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 5.djvu/256

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aïeul Karl-Marteau. À l’aspect des deux Bretons, l’empereur se leva du bord de son lit, et, tenant toujours sa chaussette à la main, il fit, en boitant du pied gauche, deux pas à l’encontre d’Amael, semblant en proie à une certaine émotion mêlée d’une vive curiosité ; puis il s’écria de sa voix grêle, qui contrastait si singulièrement avec sa gigantesque stature : — Vieillard ! Octave m’a dit que tu as fait la guerre sous Karl-Martel, mon aïeul, et que tu lui as sauvé la vie à la bataille de Poitiers ? est-ce vrai ?

— C’est vrai. — Et, portant son doigt à son front, où se voyaient encore les traces d’une profonde cicatrice, le vieux Breton ajouta : — J’ai reçu cette blessure à la bataille de Poitiers.

L’empereur se rasseyant sur le bord de son lit, chaussa sa chaussette et dit en se tournant vers son archichapelain : — Eginhard, toi qui as recueilli dans ta chronique les faits et gestes de mon aïeul, toi dont la mémoire est toujours si présente, te rappelles-tu avoir entendu raconter ce que rapporte ce vieillard ?

Eginhard resta un moment pensif, et reprit : — Je me souviens d’avoir lu dans quelques parchemins, écrits de la main du glorieux Karl, et renfermés dans ton cartulaire auguste, qu’en effet, à la bataille de Poitiers… — Mais, s’interrompant et s’adressant au centenaire : — Ton nom ?

— Amael.

L’archichapelain réfléchit, et dit en secouant la tête : — Quoiqu’il ne soit pas présent à mon souvenir, ce n’est pas là le nom du guerrier qui sauva la vie de Karl-Martel à la bataille de Poitiers… c’était, certainement, un nom frank, et point celui que tu dis.

— Ce nom, — reprit le vieillard, — n’était-il pas celui de Berthoald ?

— Oui, — répondit vivement Eginhard ; — c’est ce nom-là, Berthoald… et dans quelques lignes écrites de sa main, le glorieux Karl recommandait à ses fils ce Berthoald, auquel il devait la vie.

Pendant ces mots échangés entre le vieux Breton et l’archicha-