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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 5.djvu/315

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veiller sur nos chevaux. — Le Romain obéit, s’inclina, et sortit avec le petit-fils d’Amael.

— Quoi ! mon père… tu renvoies Vortigern ? — dit Thétralde avec un accent de doux reproche. — J’aurais, au contraire, désiré qu’il restât pour te confirmer mon récit.

— Tout ce que tu me diras, ma fille, je le croirai. Parle, parle sans crainte devant moi et l’aïeul de ce digne garçon.

— Hier, — reprit Thétralde, — j’étais au balcon du palais lorsque Vortigern est entré dans la cour. Apprenant qu’il venait ici comme prisonnier, si jeune et blessé, je me suis tout de suite intéressée à lui ; puis, quand il a manqué d’être renversé, tué peut-être par son cheval, j’ai eu si grand’peur, si grand’peur, que j’ai poussé un cri d’effroi ; mais, lorsque Hildrude et moi nous l’avons vu se montrer intrépide cavalier, nous lui avons, dans notre admiration, jeté nos bouquets.

— Vous m’aviez toutes deux parlé de votre admiration pour ce jouvenceau comme habile écuyer, mais point du tout de ces bouquets-là ; enfin, passons… continue.

— J’ai été certainement très-heureuse de ton retour, bon père ; cependant, je te l’avoue, je pensais peut-être encore plus à Vortigern qu’à toi ; toute la nuit, ma sœur et moi, nous avons parlé du jeune otage breton, de sa bonne grâce, de sa figure, à la fois douce et hardie… de…

— Bien, bien, passons là-dessus, ma fille, passons…

— Tu ne veux donc pas, père, que je te dise tout ?…

— Si… si… continue…

— Au point du jour, je me suis endormie, mais c’était encore pour rêver de Vortigern ; nous l’avons revu à l’église, quand je ne regardais pas son fier et doux visage, je priais pour le salut de son âme. Après la messe, lorsque j’ai su que l’on chasserait, ma seule crainte a été qu’il ne vint pas à la chasse… Juge de ma joie, mon père, lorsque je l’ai aperçu. Soudain son cheval s’emporte ; moi,