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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 5.djvu/338

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semblait retombé dans ses pénibles incertitudes ; — il sera temps de partir au lever du soleil.

— Non, non, — reprit vivement l’abbé, redoutant l’influence de la Gauloise sur l’esprit de son mari, — je repars à l’instant. Réponds, Morvan ! Porterai-je à Louis-le-Pieux des paroles de paix ou de guerre ?

Mais le chef Breton se leva et se dirigeant vers la porte, répondit à Witchaire : — Je veux la nuit pour réfléchir ; — et malgré les instances de l’abbé, il sortit de la chambre des hôtes avec Noblède.

Quelques instants après, Morvan, sa femme, Vortigern et Caswallan étaient réunis non loin de la maison sous un chêne immense ; la lune se levait radieuse à l’horizon. Le chef Breton tendit la main à Noblède, et lui dit : — Ma bien-aimée femme, mes paroles ont été dures ; pardonne-les-moi.

— Elles m’avaient affligée, non blessée. Ce n’est pas à toi que je les reproche, mais à ce prêtre étranger.

— Oui, ébranlé par son langage, ma résolution chancelait, mais à ta vue, chère femme, j’ai ressenti le remords de ma faiblesse.

— Et ce messager du roi des Franks, — reprit Vortigern, — que veut-il ?

— Si nous consentons à payer tribut à Louis-le-Pieux et à le reconnaître comme souverain, nous éviterons une guerre implacable. J’ai hésité un moment, et je l’avoue, j’hésite encore devant les désastres d’une lutte nouvelle.

— Hésiter ! — s’écria Vortigern, — quoi ! céder à la menace ?

— Frère, — répondit tristement Morvan, — le peuple Breton n’est plus ce qu’il était jadis !

— Tu dis vrai, — reprit Caswallan,— le souffle catholique, toujours mortel à la liberté des peuples, a passé sur ce pays ; le patriotisme d’un grand nombre de nos tribus s’est refroidi ; veux-tu l’éteindre ? Subissons une paix honteuse, et avant un siècle, la Bretagne sera peuplée d’esclaves !