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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 5.djvu/340

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s’inquiétaient peu des terribles chances de la bataille ! Vivre libres ou périr, telle était leur foi ; ils la scellaient de leur sang ; et allaient revivre dans les mondes inconnus ! — Noblède parlait ainsi, lorsque l’abbé Witchaire, qui s’était adressé aux gens de la ferme pour retrouver Morvan, s’approcha du chêne, autour duquel il vit le chef breton, Caswallan, Noblède et Vortigern. Quoique la lune brillât de tout son éclat au firmament étoilé, les premiers feux de l’aube, hâtive à la fin du mois d’août, rougissaient déjà l’Orient. — Morvan, — dit l’abbé Witchaire, — le jour va bientôt paraître, je ne puis attendre plus longtemps ; quelle est ta réponse au message de Louis-le-Pieux ?

— Prêtre ! ma réponse ne te chargera pas la mémoire : « Va dire à ton roi que nous lui payerons tribut… avec du fer (D). »

— Tu veux la guerre ! tu l’auras donc sans merci ni pitié ! — s’écria l’abbé furieux, et s’élançant sur son cheval, que les moines venaient d’amener, il ajouta en se retournant vers le chef des chefs :

— La Bretagne sera ravagée, incendiée ! il ne restera pas une maison debout. Tremble ! le dernier jour de ce peuple est arrivé ! — En prononçant ces derniers mots, le prêtre sembla du geste maudire et anathématiser le chef breton ; éperonnant alors son cheval avec rage, et suivi de ses deux moines, il s’éloigna rapidement. Au bout d’un quart d’heure à peine, Witchaire entendit derrière lui le galop d’un cheval ; il se retourna et vit venir un cavalier à toute bride : c’était Vortigern. L’abbé s’arrêta, cédant à un dernier espoir ; il dit au frère de Noblède : — Puisse ta venue être d’un heureux présage. Morvan regrette sans doute sa résolution insensée ?

— Morvan regrette que dans ta précipitation, toi et tes deux moines, vous soyez partis sans guides ; vous pourriez vous égarer dans nos montagnes. Je t’accompagnerai jusqu’à la cité de Guenhek ; là, je te donnerai un guide sûr, qui te conduira jusqu’aux frontières.

— Jeune homme, écoute-moi. Tu es, m’a-t-on dit, le frère de l’épouse de Morvan ; tâche, pour le salut de la Bretagne, de faire revenir cet homme sur sa résolution insensée.