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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 5.djvu/36

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breux pas approchent… si c’était le seigneur Warnachaire…

Chrotechilde ne se trompait pas, c’était en effet le maire du palais de Bourgogne, accompagné de Sigebert ; cet enfant, à peine âgé de onze ans, était comme ses frères chétif et pâle ; cependant l’animation du voyage, la joie de revoir ses frères coloraient légèrement son doux visage, car, ainsi que l’avait dit Chrotechilde à Brunehaut, ce pauvre enfant, malgré les exécrables conseils de sa bisaïeule, conservait jusqu’alors un caractère angélique ; il courut dès qu’il entra embrasser la vieille reine, puis il répondit aux caresses et aux questions empressées de ses frères qui l’entouraient ; à chacun d’eux il remit de petits présents rapportés de son voyage et renfermés dans un coffret qu’il avait voulu prendre des mains d’un des serviteurs de sa suite, afin d’offrir plus tôt à ses frères ces témoignages de son souvenir. Chrotechilde, s’approchant alors de la reine, lui dit tout bas : — Madame… si vous m’en croyez, gardons les deux esclaves jusqu’à ce soir ; d’ici là nous aviserons…

— Oui, c’est le meilleur parti à prendre, — répondit Brunehaut ; et s’adressant à l’enfant : — Va te reposer... tu raconteras ton voyage à tes petits frères ; j’ai à causer avec le duk Warnachaire…

Chrotechilde emmena les enfants, la reine resta seule avec le maire du palais de Bourgogne, homme de grande taille, d’une figure froide, impénétrable et résolue ; il portait une riche armure d’acier rehaussée d’or à la mode romaine ; sa large épée pendait à son côté, son long poignard à sa ceinture. Brunehaut, après avoir attaché longtemps son noir et profond regard sur Warnachaire, toujours impassible, lui fit signe de s’asseoir auprès de la table, s’y assit elle-même, et lui dit : — Quelles nouvelles ?

— Bonnes… et mauvaises, madame…

— Les mauvaises d’abord.

— La trahison des duks Arnolfe et Pépin, ainsi que la défection de plusieurs autres grands seigneurs d’Austrasie, n’est plus douteuse ; ils se sont rendus au camp de Clotaire II avec leurs hommes.