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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 5.djvu/53

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la bonté. Alors commença pour le pays une ère de gloire et de prospérité. S’affranchissant du joug de Rome, la Gaule libre, forte, refoula les Franks hors de ses frontières, et jouit enfin des bienfaits de la paix ! Aussi d’un bout à l’autre du territoire un nom était idolâtré ! Ce nom ! le premier que les mères apprenaient à leurs enfants, après celui de Dieu… Ce nom si populaire, ce nom entouré de tant de vénération, de tant d’amour, c’était celui de Victoria !

— Enfin, moine… cette femme… que dis-je ? cette divinité régnait pour son fils !

— Oui… comme la vertu règne sur le monde ! Invisible aux yeux, c’est aux cœurs qu’elle se révèle ; Victoria la Grande, aussi modeste dans ses goûts que la plus obscure matrone, fuyait l’éclat et les honneurs. Retirée dans son humble maison de Trêves ou de Mayence, elle jouissait de la gloire de son fils, de la prospérité de la Gaule… Mais pour régner en reine… non… non… elle méprisait trop les royautés.

— Et la cause de ce dédain superbe !

— Victoria disait sagement que le pouvoir royal héréditaire se transmettant avec la possession des peuples comme un domaine avec ses esclaves est une usurpation monstrueuse. Victoria disait encore que ce pouvoir presque sans bornes finit tôt ou tard par dépraver les meilleurs naturels et par rendre les méchants l’exécration du monde… Fidèle à ses principes, elle refusa de rendre le pouvoir héréditaire pour son petit-fils !

— Il eût été dommage qu’une si glorieuse race s’éteignît… Ah ! elle avait un petit-fils.

— Oui, comme vous… Victoria était aïeule…

Et Loysik regarda fixement la reine. Dans la manière dont le vieux moine accentua ces mots adressés à Brunehaut : — Comme vous, Victoria était aïeule il y avait quelque chose de si souverainement écrasant ! une condamnation si flétrissante des épouvantables moyens employés par ce monstre pour dépraver, énerver, tuer moralement