Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 5.djvu/68

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nachaire ; d’autres seigneurs de Bourgogne et d’Austrasie, qui avaient pris parti pour Clotaire, l’accompagnaient ; c’étaient les duks Pepin, Arnolf, Alethée, Eudelan, Roccon, Sigowald, l’évêque de Troyes, et d’autres encore. Le connétable Herpon, à la vue du roi, voulut se rapprocher de lui ; il fit un signe aux deux cavaliers qui conduisaient la monture de Brunehaut, et partit au galop ; les deux guerriers, se guidant sur son allure, emmenèrent la vieille reine ; celle-ci, non garrottée, se fût tenue en selle comme une amazone ; mais gênée par les liens qui l’assujettissaient, elle ne pouvait suivre avec souplesse les mouvements de sa monture, de sorte que le galop de sa haquenée imprimait au corps de Brunehaut des soubresauts ridicules. La foule et les guerriers de l’escorte, la suivant en courant, l’accablèrent de railleries et de huées. Enfin, le connétable Herpon rejoignit le roi, sauta à bas de son cheval, et dit à ses hommes en leur montrant la reine : — Mettez-la par terre… laissez-lui seulement les mains attachées derrière le dos.

Les cavaliers obéirent, et dénouèrent les cordes qui garrottaient la reine sur sa selle ; mais la rude pression des liens avait tellement endolori ses jambes, que, ne pouvant se tenir debout, elle tomba d’abord sur ses genoux. Craignant que l’on n’attribuât sa chute à la faiblesse ou à la crainte, elle s’écria : — J’ai les membres engourdis, sans cela je resterais debout… Brunehaut ne s’agenouille pas !…

Les guerriers franks ayant relevé la reine, la soutinrent. Sa haquenée de prédilection, qu’elle montait le jour de la bataille, et dont elle venait de descendre, allongea sa tête intelligente et lécha doucement les mains de la reine attachées derrière son dos… Pour la première fois, et pendant un moment, les traits de Brunehaut exprimèrent autre chose qu’un orgueil farouche ou une rage concentrée ; elle tourna comme elle put la tête par-dessus son épaule et dit à sa haquenée d’une voix presque attendrie : — Pauvre animal ! tu as tâché de me sauver par la rapidité de ta course… tes forces ont trahi ton courage ; maintenant tu me dis adieu à ta manière… Toi