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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 6.djvu/144

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wig disait à demi-voix : — Ce que j’éprouve est étrange ! j’ai ressenti au cœur une si violente douleur qu’elle m’a réveillé... maintenant cette douleur semble s’engourdir. — Regardant alors par la fenêtre, il reprit : — Quoi ! déjà la nuit ? j’ai donc dormi longtemps ? Où est la reine ? pourquoi m’a-t-on laissé seul ?... Je me sens appesanti, et puis malgré la tiédeur de cette journée de printemps, j’ai les pieds froids. Holà ! quelqu’un ! — ajouta Ludwig en se tournant vers la porte et appelant : — Hé ! Gondluf !... Wilfrid !... Sigefried ! — Au troisième nom que prononça le roi, sa voix, d’abord assez élevée, devenant presque inintelligible ne sortit plus qu’avec effort de son gosier desséché. Se dressant alors sur son séant il murmura : — Qu’ai-je donc ? ma voix est tellement affaiblie que je m’entends à peine parler moi-même, tant mon gosier se resserre ; et puis ce froid... ce froid qui glaçait mes pieds... gagne mes jambes. — À peine le roi des Franks achevait-il ces mots qu’il tressaillit de surprise et de frayeur, à l’aspect d’Yvon-le-Bestial, qui soudain se dressa debout derrière le dossier du lit de repos. — Que fais-tu là ? — lui dit Ludwig ; puis il ajouta d’une voix de plus en plus affaiblie : — Cours vite quérir quelqu’un... je me sens en danger ! — Mais s’interrompant : — À quoi bon cet ordre ! ce malheureux est idiot... Pourquoi me laisse-t-on ainsi seul ? je vais moi-même... — Et Ludwig se leva péniblement ; mais à peine eut-il posé ses pieds à terre que ses jambes se dérobèrent sous lui et il s’affaissa lourdement sur le plancher en murmurant : — À l’aide ! à l’aide ! Seigneur Dieu... ayez pitié de moi ! À l’aide ! à l’aide !

— Ludwig, il est trop tard ! — reprit Yvon d’une voix grave, — tu vas mourir... à vingt ans à peine, ô roi des Franks !

— Cet idiot, que dit-il ?... Moi, je vais mourir ?

— Tu vas mourir comme est mort l’an passé ton père Lothèr, empoisonné par sa femme, ainsi que tu viens de l’être par la tienne !

L’épouvante arracha un cri à Ludwig ; ses cheveux se hérissèrent sur son front baigné d’une sueur glacée, ses lèvres déjà violettes s’a-