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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 6.djvu/232

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toi, maudite ! Tu m’as damné ; depuis ce meurtre, je n’ai plus eu de chapelain ; aucun prêtre n’a voulu venir demeurer ici. Mais assez sur ce sujet... Ce philtre est-il prêt ?

— Pas encore.

— Que te manque-t-il pour l’achever ?... Tu m’as demandé un enfant, tu l’as... Mais je ne le vois pas ; où est-il ?

— Là... dans cette tourelle. Il récite une prière que je lui ai apprise depuis de deux jours.

— Une prière magique ?

— Non, une sainte prière ; elle sanctifiera son esprit, son esprit sanctifiera son sang ; et lorsqu’il coulera, ce sang innocent et sanctifié, vaudra, pour la puissance du philtre, le sang d’un martyr.

— Ceci du moins me paraît judicieux. Et ce philtre, quand donc sera-t-il terminé ?

— Ce soir, pendant le temps qui s’écoulera entre le lever et le coucher de la lune...

— Oh ! des retards, toujours des retards ! et mon mal augmente... Je te soupçonne de m’avoir jeté ce maléfice, sous lequel en vain je me débats... tu es capable de tout !

— Moi ? N’as-tu pas voulu me faire tuer mon fils aîné, Gonthram ?

— Un jour, ton fils a voulu me violenter ; je me suis plainte à toi de cet outrage : rien de plus.

— Oui ; et sans mon écuyer Eberhard-le-Tricheur, qui s’est jeté entre moi et Gonthram, je tuais mon fils à son retour de la chasse ; et pourtant, il m’a dit qu’au contraire, tu lui avais proposé de te donner à lui, à condition qu’il me poignarderait.

— Mensonge !

— Ah ! si j’avais écouté ma colère, je t’aurais planté cette épée dans le cœur.

— Qui t’en a empêché ?

— N’as-tu pas lu dans les astres que nos vies étaient liées l’une à