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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 6.djvu/238

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reau lui a enfoncé entre les genoux. — Neroweg VI fit un signe de tête approbatif ; le prévôt continua : — Quant aux autres prisonniers, le sire de Breuil-le-Haudoin est mort des suites de la torture.

— Ensuite ?

— L’abbé Guilbert offre trois cents sous d’argent pour sa rançon ; mais comme il n’a point encore été exposé à la torture, de telles offres ne comptent point.

— Et puis !

— C’est tout.

En devisant ainsi, le seigneur de Plouernel, son prévôt et son écuyer descendirent jusque dans la salle basse du donjon, à l’un des angles de laquelle aboutissait l’escalier ; une étroite fenêtre garnie d’énormes barreaux de fer éclairait seule cette vaste salle, nue, sombre et voûtée ; la porte cintrée, alors ouverte, laissait apercevoir le pont-levis abaissé ; au milieu de la cour intérieure se tenaient plusieurs hommes d’armes du seigneur de Plouernel prêts à monter à cheval ; vers le centre de la salle du plaid se trouvait, selon l’usage, une grande table de pierre (S), derrière laquelle se rangèrent les officiers de la maison du comte, l’écuyer de ses écuries, l’écuyer de sa chambre, l’écuyer de sa vénerie, de sa fauconnerie, de sa table, et autres dignitaires ; ces gens, au lieu d’être payés par les seigneurs, achetaient d’eux ces offices héréditaires dans les familles ; hérédité parfois étrange par le contraste de la fonction et du fonctionnaire : ainsi, une charge de Coureur vendue en fief à un homme agile, vigoureux, souvent devenait l’héritage de son fils, aussi impropre à la course qu’un bœuf poussif. Les seigneurs, afin de tirer profit de la vente de ces offices, les multipliaient à l’infini ; leurs acquéreurs cédaient moins à l’orgueil d’appartenir aux maisons seigneuriales qu’au désir de se mettre ainsi à peu près à l’abri des violences du maître, ou de participer aux profits de ses brigandages. Hélas ! en ces temps maudits, il faut choisir, être opprimé ou oppresseur, subir les horreurs du servage ou devenir l’instrument des tyrans féodaux, se