Aller au contenu

Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 6.djvu/273

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Vous avez raison, cent fois raison, digne baillif, — reprit virement le bourgeois de Nantes, complètement rassuré par l’accent de Garin et ne pouvant contenir sa joie, il se croyait déjà sauvé ; aussi, se penchant vers sa fille, assise au bord du lit de paille et l’embrassant avec des larmes de bonheur, il lui dit à demi-voix : — Eh bien ! avais-je tort, chère peureuse, de te certifier que, moyennant un complet et loyal abandon de tous mes biens, ces dignes maîtres ne nous voudraient aucun mal ? — Puis, embrassant de nouveau Isoline, dont la frayeur commençait à faire place à l’espérance, et essuyant du revers de sa main les larmes qu’il versait malgré lui, il dit à Garin : — Excusez, baillif, vous comprendriez mon émotion si vous saviez les folles terreurs de cette pauvre enfant... Mais que voulez-vous, à son âge, ayant jusqu’ici vécu heureuse auprès de moi... elle s’alarme vite...

— Nous disons : premièrement cinq mille trois cents pièces d’argent déposées chez l’argentier Thibaut, — dit le tabellion de sa voix aigre en interrompant Bezenecq ; et s’asseyant au rebord du gril il écrivit sur ses genoux, éclairé par la lueur d’une lanterne. — Puis, secondement, — poursuivit-il, — combien y a-t-il de pièces d’or dans le trésor secret de la maison de Nantes ?

— Huit cent soixante pièces d’or, — se hâta de répondre Bezenecq, comme s’il avait eu hâte d’être débarrassé de ses richesses ; — de plus, neuf lingots d’argent de différentes grosseurs. — Et en continuant d’énumérer ainsi ses biens au tabellion qui les inscrivait à mesure, le marchand serrait avec ivresse les mains de sa fille, pour augmenter sa confiance et son courage.

— Maintenant, Bezenecq-le-Riche, — dit Garin, — il nous faudrait les deux lettres pour ton serviteur de confiance et pour ton compère Thibaut l’argentier.

— Secourable tabellion, — répondit le marchand, — prêtez-moi votre tablette, donnez-moi deux parchemins et une plume, je vais écrire là sur les genoux de ma fille. — Et se plaçant, en effet, aux