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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 6.djvu/287

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de ma mère ! — Et dans sa rage, augmentée par son ivresse, levant son flambeau de cire allumé, Gonthram en frappa son frère au visage et tira son épée ; Guy poussa un hurlement de rage et mit aussi l’épée à la main ; la lutte ne fut pas longue, Guy tomba sans vie aux pieds de son frère, qui s’écria : — Le bâtard est mort... à moi la fille !... — Et se précipitant sur Isoline : — Maintenant tu m’appartiens ! — ajouta-t-il avec un accent de luxure féroce en étreignant la malheureuse enfant, dont sans doute il ignorait la folie. — Pour te posséder j’ai tué ce bâtard... Est-ce assez d’un mort ?

— Non ! vous mourrez tous deux ! louveteaux de Pire-qu’un-Loup ! — s’écria une voix menaçante ; et avant que Gonthram, qui tenait toujours enlacée la fille de Bezenecq-le-Riche ait eu le temps de se retourner, il reçut sur le crâne un si terrible coup de barre de fer, que sans pousser un cri, un gémissement, il tomba renversé sur le corps de son frère, aux pieds d’Isoline. — Encore un Neroweg de moins, fils de Joel ! — s’écria Fergan-le-Carrier, tandis que la folle, n’ayant pas même conscience de la violence infâme qu’elle eût subie sans le secours inespéré du serf, regardait autour d’elle d’un air hagard. Fergan, de la cachette où il se tenait, ayant vu commencer la lutte fratricide, et saisi d’horreur à la pensée que la fille de Bezenecq serait la proie du vainqueur, s’était introduit dans le cachot par l’ouverture secrète, au plus fort du combat des deux fils de Neroweg VI, sans être entendu d’eux, et Gonthram, meurtrier de son frère, ne commit pas un crime de plus... Les moments pressaient ; quelques-uns des hommes du seigneur de Plouernel, remarquant l’absence prolongée des deux louveteaux, pouvaient descendre dans les souterrains ; Fergan, prenant les deux mains d’Isoline, lui dit d’une voix émue : — Viens... viens... pauvre créature... — La folle ne fit aucune résistance, se leva, et attachant ses yeux égarés sur le serf, elle le suivit, et conduite par lui, arriva près de l’issue secrète : — Maintenant, — dit Fergan, — baisse-toi, chère enfant, et passe par cette ouverture. — Isoline resta immobile. Renonçant à se faire