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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 6.djvu/71

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Les deux pirates retenus par l’aspect de cette lutte étrange engagée derrière le mausolée de Clovis, ne se joignirent pas pendant quelques moments à la mêlée qui plus loin continuait sous les voûtes de la basilique. Une réserve de guerriers franks postés sur les remparts et n’ayant pas pris part au premier combat contre les vierges-aux-boucliers, venaient d’accourir dans l’église sur les pas des North-mans, qui, au lieu d’attendre la nuit cachés dans les chariots de fourrage, en étaient sortis au bruit du tumulte causé par l’attaque des femmes pirates.

Gaëlo n’avait jamais rencontré d’adversaire plus redoutable que la belle Shigne ; à une force peu commune elle joignait l’adresse, le sang-froid, l’intrépidité. Emporté par l’ardeur du combat, le pirate oubliait son amour passionné, ou s’il se rappelait qu’il combattait une femme, il s’irritait d’autant plus de trouver en elle cette indomptable résistance ; enfin il parvint à lui porter un si violent coup d’épée sur la tête, que la résille de mailles de fer, et les épais cheveux blonds de Shigne coupés par le tranchant du glaive, ne purent la préserver d’une blessure profonde ; le sang inonda son visage, son arme s’échappa de ses mains et elle tomba d’abord sur les deux genoux, puis sur le côté.

— Malheur à moi ! — s’écria Gaëlo désespéré, — je l’ai tuée ! je l’ai tuée ! — S’agenouillant alors auprès de la jeune fille pour la secourir, il souleva sa belle tête pâle, sanglante, au regard déjà demi-clos.

— Gaëlo, — murmura la vierge-au-bouclier d’une voix défaillante, — tu as pu me vaincre, ta valeur est grande... je t’aime ! — et ses yeux se fermèrent. Robin et Simon appitoyés s’étaient rapprochés de Gaëlo, lorsque dominant le tumulte de la bataille qui continuait plus loin sous les arceaux de l’église, ces cris retentirent poussés par les pirates : — Berserke ! Berserke !

— Lodbrog-le-géant, est en furie ! — s’écria Simon-Grande-Oreille — le berserke est aussi terrible à ses amis qu’à ses ennemis.