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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 8.djvu/131

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Les deux favoris restèrent un moment muets de surprise ; puis le maréchal s’écria : — Quoi ! sire, vous songeriez à quitter Paris de nuit et furtivement ? vous laisseriez ainsi la place à ce misérable Marcel ? Eh ! mordieu ! si cet insolent bourgeois vous gêne, sire, suivez le conseil que je vous ai donné tant de fois ! Faites pendre le Marcel et son échevinage, comme j’ai fait pendre Perrin Macé ! Cette exécution a-t-elle soulevé les Parisiens ? Non, pas un de ces musards n’a osé broncher ; ils se sont couardement contentés de se rendre en masse aux funérailles du pendu ! Je vous le répète, sire, chargez-moi de vous débarrasser de Marcel ainsi que de sa bande ; et tout sera dit.

— Il y a entre autres croquants à pendre haut et court, — ajouta le maréchal de Champagne, — un certain Maillart qui ne tarit point en propos violents et meurtriers contre la cour !

— Maillart ! — dit vivement le régent en attachant sur ses courtisans son regard morne et faux, — qu’on ne touche pas à un cheveu de la tête de Maillart !

— Soit, sire, — répondit le maréchal de Normandie assez surpris des paroles du prince, — épargnez Maillart ; mais, pour Dieu ! que ces autres insolents meneurs des États-généraux soient mis à mort, et Marcel le premier de tous !

— Hugues, — répondit le prince en se levant pour endosser sa robe, que le seigneur de Norville s’empressa d’offrir à son maître après l’avoir chaussé, — que le bateau soit, selon mes ordres, préparé pour ce soir.

— Quoi, sire ! — s’écria le maréchal presque courroucé, — vous n’écoutez pas mes avis ! prenez garde… votre clémence pour ces vils bourgeois vous perdra !

— Ma clémence ! — reprit le jeune prince en jetant sur le maréchal un regard d’une expression tellement sinistre que le courtisan, comprenant la secrète pensée de son maître, répondit : — Si vous êtes décidé à faire prompte justice de cette insolente bourgeoisie, pourquoi tant tarder, sire ?