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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 8.djvu/185

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double visage, aux herbes, aux feuilles de roses, aux cerises, aux châtaignes, et au milieu de cette profusion de tartes, s’élevait une pâtisserie monumentale de trois pieds de hauteur représentant les donjons, les tours, les remparts du noble manoir de Chivry… La longue table, chargée d’une riche vaisselle où se reflète la clarté de grands luminaires d’argent, garnis de flambeaux de cire, offre un joyeux désordre ; les hanaps, les coupes d’argent ou de vermeil, remplis de vins herbés, circulant de main en main, redoublent la bonne humeur des convives ; quelques-uns commencent à chanceler sur leur siége, étourdis par les fumées de l’ivresse ; beaucoup de nobles dames et de damoiselles, sans avoir fêté jusqu’au délire bachique les épousailles de Gloriande, ont la joue plus que vermeille, l’œil émérillonné, le sein palpitant, et rient aux éclats des récits licencieux que les seigneurs, assis à côté d’elles et buvant à la même coupe, leur content à l’oreille. Au dehors de la salle du banquet, les serviteurs et les hommes d’armes du château, partageant la liesse générale, célèbrent le mariage de la damoiselle de Chivry à grand renfort et reconfort de pots de bière, de cidre ou de vin ; grand nombre de ces buveurs sont complétement ivres.

La belle Gloriande et Conrad restent étrangers à l’allégresse causée par la bonne chère et les propos graveleux ; plus doux est l’enivrement des deux fiancés ; ils se chérissent, et bientôt pour eux va sonner l’heure du déduit amoureux ; parfois, ils échangent sournoisement un coup d’œil d’impatience ; ardents sont les regards de Conrad, troublés sont les regards de Gloriande, son beau sein fait doucement onduler ses colliers de perles et de diamants ; elle fronce même ses noirs sourcils et hausse ses blanches épaules en entendant son père, déjà fort aviné, crier à tue-tête pour demander silence, déclarant qu’il veut chanter une vieille chanson à boire en vingt-huit tensons ! ! ! et chaque couple buvant au même hanap sera tenu de le vider entre chaque tenson ! après quoi les fiancés seront cérémonieusement conduits par les damoiselles d’honneur dans la cham-