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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 8.djvu/193

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par le Dieu vivant ! je t’épargnerai le châtiment que méritent tes crimes !

— Dis-moi, noble seigneur, — reprend le chef des Jacques avec un calme sinistre, — c’est un beau jour, n’est-ce pas, le jour des noces d’une enfant qu’on aime ?

— Hélas ! ce matin, je croyais que le mariage de ma fille Gloriande serait un beau jour pour moi !

— Moi aussi, je croyais cela le matin du jour des noces de ma fille Aveline-qui-jamais-n’a-menti… Un vassal, vois-tu, a comme un autre des entrailles de père… j’aimais si tendrement mon enfant ! Elle était douce, belle et pure ; elle faisait la joie, l’orgueil de ma misérable vie… Sais-tu ce qui est arrivé ?… Le sire de Nointel, ton gendre, a fait traîner ma fille dans son lit, il l’a déshonorée… et puis après, il me l’a rendue !…

— Vassal ! — s’écrie le vieux seigneur emporté par son indomptable fierté de race, — le sire de Nointel a usé des droits qu’il a sur toute fille non noble !

— Ce droit, d’où le tenait-il ? De la force !… Donc, qui a la force a le droit… Aujourd’hui, les Jacques ont la force, ils en usent comme tu en usais hier !… — répondit Guillaume Caillet sans se départir de son calme farouche. — Écoute encore… Mazurec, le fiancé de ma fille, a voulu s’opposer à ce qu’elle fût violentée… il a dû, en punition de tant d’audace, faire amende honorable à genoux devant son seigneur… Écoute encore… Hier, ma fille a été, comme tant d’autres victimes, étouffée par la fumée dans un souterrain, c’était l’ordre du bailli du sire de Nointel… La mort de ma fille a été horrible ! oh ! horrible !…

— Est-ce ma faute ? — s’écrie le seigneur de Chivry, — mon Dieu ! est-ce ma faute à moi ?

— Est-ce la mienne à moi ? — répond Guillaume Caillet avec un flegme effrayant. — « Œil pour œil, dent pour dent ! » dit l’Écriture ; moi je dis ceci : Le sire de Nointel a violenté la fiancée de Mazurec--