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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 8.djvu/206

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Neroweg, sire de Nointel, écoute aussi… tu comprendras notre haine implacable contre la noblesse et la royauté.

Conrad tressaille dans ses liens ; les Jacques se pressent silencieux et attentifs autour de l’Avocat d’armes ; il continue ainsi :

— Il y a onze cents ans de cela… l’un de mes aïeux, Schanvoch-le-Soldat, frère de lait de Victoria-la-Grande, la femme empereur, qui a prédit l’affranchissement de la Gaule, Schanvoch-le-Soldat s’est battu contre l’un des chefs des hordes franques qui déjà menaçaient d’envahir la Gaule, notre mère-patrie ; ce chef s’appelait Neroweg-l’Aigle-Terrible… il était l’ancêtre du sire de Nointel que voici… Deux siècles plus tard, les Francs, grâce à la complicité des évêques de Rome, avaient conquis la Gaule et réduit ses habitants au plus cruel esclavage ; depuis lors, notre terre est devenue la proie de nos conquérants ; depuis lors, nous l’avons, à leur profit, arrosée de nos sueurs, de nos larmes, de notre sang… Aux premiers jours de cette conquête, Karadeuk-le-Bagaude, notre aïeul à Mazurec et à moi, un esclave révolté, s’est battu contre Neroweg, comte au pays d’Auvergne, comte de par le droit de la rapine et du meurtre. Ce Neroweg avait soumis à une torture atroce Loysik-l’Hermite-Laboureur et Ronan-le-Vagre, fils de Karadeuk-le-Bagaude. Bagaudie et Vagrerie étaient la Jacquerie de ce temps-là… Vagres et Bagaudes se vengeaient déjà comme les Jacques de l’oppression des seigneurs d’origine étrangère ; le comte Neroweg est tombé sous la hache de Karadeuk… Enfin, il y a près de trois cents ans, un autre de mes aïeux, Dèn-Braô-le-Maçon et plusieurs serfs, ses compagnons de travail, ont été enterrés vifs par un Neroweg V, sire de Plouernel au pays de Bretagne. Ce noble homme enterrait ainsi avec Dèn-Braô le secret de la construction d’un passage souterrain conduisant à son manoir féodal. Le fils de Dèn-Braô, resté serf de la seigneurie de Plouernel, s’appelait Fergan-le-Carrier. Neroweg VI enleva le fils de Fergan, afin de faire servir cet enfant aux sanglants sortiléges d’une magicienne. Fergan put délivrer son fils ; mais il vit le supplice