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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 8.djvu/262

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— Cette résolution est héroïque ; mais tu oublies les horreurs qui suivent l’assaut d’une ville ? Tu oublies Meaux livré aux flammes par le captal de Buch et le comte de Foix ? les femmes violées, éventrées, les enfants, les vieillards massacrés ou périssant dans l’incendie ?… Livrer Paris à un pareil sort ! Paris, le cœur et la tête de la Gaule !… Non, non, je te l’ai dit, entreprendre de résister au régent sans l’appui de Charles-le-Mauvais, c’est nous exposer à une perte certaine. Préférons à l’héroïsme stérile le sacrifice salutaire, notre défaite même sera féconde !…

— Maître Marcel, je ne vous comprends plus…

— Quelle que soit la ténacité, la duplicité du caractère du régent, les terribles leçons qu’il a reçues ne seront pas perdues pour lui : il a dû, fuyant le soulèvement populaire, abandonner furtivement son palais du Louvre… il s’est vu sur le point de perdre la couronne ; s’il rentre ici, grâce à la soumission des Parisiens, pour peu que sa vengeance et son orgueil royal soient largement satisfaits, ce prince maintiendra nécessairement certaines réformes. Elles seront moins nombreuses sans doute que celles qu’aurait acceptées Charles-le-Mauvais pour consolider son usurpation ; mais enfin ces réformes demeureront toujours acquises à l’avenir, notre révolution aura porté ses fruits. Me comprends-tu ?… D’où vient ton étonnement ?

— Mais pour satisfaire aux ressentiments du régent, pour assouvir sa vengeance, il faudra…

— Il faudra quelques têtes !… — répondit Marcel avec une simplicité antique en interrompant Mahiet. — Oui, le régent demandera d’abord mon supplice et celui des gouverneurs, principaux chefs de la révolution… Eh bien ! ce jeune homme aura nos têtes !… Je suis d’accord en ceci avec nos amis… Voici donc mon projet ; notre entretien, en élucidant les faits, ainsi que je l’espérais, me confirme dans ma résolution. À une heure du matin, je me rends à la porte Saint-Antoine, où j’attendrai Charles-le-Mauvais ; s’il manque au rendez-vous, je monte à cheval, je vais rejoindre le régent à son camp de