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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 8.djvu/45

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mure, afin d’en amortir le rude frottement, un justaucorps et des chausses de peau rembourrés d’une épaisse garniture de crin. Les vaincus sortent honteusement de la lice, et les vainqueurs, après en avoir fait le tour en caracolant, s’approchent de l’amphithéâtre où trône la reine du tournoi ; ils inclinent leurs lances devant elle, par manière de galant hommage. La belle Gloriande leur répond par un gracieux sourire, et triomphants ils quittent la lice. Deux des cavaliers de chaque quadrille restent dans l’arène ; la lutte doit continuer à pied et à l’épée, épée non moins courtoise que la lance, c’est-à-dire sans pointe ni tranchant, de sorte que ces braves champions doivent s’escrimer avec des barres d’acier longues de trois pieds et demi, combat héroïque, d’autant moins périlleux que les vaillants qui l’affrontent sont préservés de tout danger par d’épais vêtements rembourrés de crin, recouverts d’une armure impénétrable. À un nouveau signal du sire de Nointel, une mêlée aussi furieuse que peu meurtrière s’engage entre les quatre preux. L’un d’eux, trébuchant, tombe à la renverse et demeure immobile et aussi empêché de se relever qu’une tortue couchée sur le dos ; un autre de ces Césars voit son épée brisée entre ses mains ; deux de ces quatre champions continuent de se battre et font rage. L’un porte un bouclier vert armorié d’un lion d’argent, l’autre un bouclier rouge armorié d’un dauphin d’or. Le chevalier au lion d’argent assène un si violent coup d’épée sur le casque de son adversaire que celui-ci, étourdi du choc, tombe lourdement assis sur le sable de la lice. Victoire pour le chevalier au lion d’argent ! Ce grand vainqueur savoure superbement son triomphe en contemplant avec orgueil le vaincu piteusement assis à ses pieds ; puis aux acclamations enthousiastes de la noble assemblée, le chevalier au lion d’argent s’approche du trône de la reine du tournoi, met devant elle un genou en terre, relève sa visière, et la belle Gloriande, après avoir jeté au cou du vainqueur une riche écharpe pour prix de sa vaillance, se baisse et, selon l’honnête usage de ce temps-ci, lui donne sur les lèvres un long et plantureux baiser. Ce devoir attaché à ses fonctions honori-