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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 8.djvu/53

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— Je le jure, — dit Mazurec haletant de haine. — Oh ! que de temps perdu !

— Et maintenant, appelant et appelé, — s’écria le héraut d’armes, la lice vous est ouverte… faites votre devoir.

Le chevalier de Chaumontel, saisissant sa longue lance, enfourcha son destrier, que l’un de ses parrains tenait par la bride, et Mahiet, pâle, ému, dit à Mazurec en lui remettant son bâton :

— Courage !… suis mes avis… et, je l’espère, tu assommeras ce lâche… Un dernier mot au sujet de ta mère… Ainsi jamais elle ne t’a instruit du nom de ton père ?

— Jamais… je vous l’ai dit ce matin dans ma prison ; ma mère évitait toujours de me parler de mon père.

— Et elle s’appelait Gervaise ? — reprit Mahiet d’un air pensif. — De quelle couleur étaient ses cheveux ? ses yeux ?

— Ses cheveux étaient blonds et ses yeux noirs.

— Et elle n’avait aucun signe remarquable ?… Cherche dans ton souvenir ?

— Je lui ai toujours vu une petite cicatrice au-dessus du sourcil droit…

Soudain les clairons retentirent ; c’était le signal du duel judiciaire. Mahiet, ne pouvant contenir ses larmes, serra Mazurec entre ses bras et lui dit : — Je ne peux, dans un pareil moment, te faire connaître la cause du double intérêt que tu m’inspires… Mes soupçons, mes espérances me trompent peut-être… mais courage…

— Courage, — reprit à son tour Adam-le-Diable à demi-voix. — Pour échauffer ta haine, pense à ta femme… souviens-toi que la fiancée de notre sire a ri de toi… Tue ton larron, et patience… un jour nous en rirons terriblement à notre tour, de la noble damoiselle… mais surtout songe à ta femme… à sa honte de ce matin, à ta honte à toi… songe que vous êtes tous deux malheureux pour toujours, et hardi sur le noble, mange-lui la figure si tu peux… Hardi… tu as un bâton, des ongles et des dents !