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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 8.djvu/86

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gnaient de sa douleur profonde et concentrée. Elle céda pourtant tout d’abord à l’étonnement que causait à Guillaume l’aspect tumultueux des rues de Paris, où il entrait pour la première fois. Cette multitude affairée, ces costumes divers, ces chevaux, ces chariots, ces litières, qui se croisaient en tous sens, donnaient au campagnard une sorte de vertige ; tandis que ses oreilles tintaient au bruit assourdissant des cris incessamment poussés par les marchands ou leurs apprentis, qui, debout au seuil des boutiques, provoquaient les chalands. Étuves chaudes, bains chauds, — criaient les baigneurs. — Échaudés, croquants, pâtés frais, — criaient les pâtissiers. — Vin nouveau ! il arrive d’Argenteuil et de Suresne, — criait un tavernier armé d’un grand hanap d’étain, en conviant les buveurs du geste et du regard. — Qui veut faire raccommoder son pourpoint ? — criait le tailleur. — Le four est chaud ; qui veut faire cuire son pain ? — criait le fournier. Plus loin, on criait un édit royal annoncé d’abord par le tambour ou la trompette ; ailleurs, des moines quêteurs d’une confrérie criaient en tendant leur escarcelle : — Donnez pour le rachat des âmes du purgatoire ! — tandis que des mendiants, étalant leurs plaies réelles ou feintes, criaient : — Donnez aux pauvres pour l’amour de Dieu ! Guillaume Caillet, avant de s’aventurer plus loin dans Paris, s’assit sur un montoir de pierre placé près d’une porte, voulant à la fois se reposer et accoutumer ses yeux et ses oreilles à ce spectacle et à ce bruit si nouveaux pour lui. Bientôt les crieries furent presque couvertes par une rumeur lointaine qui s’élevait de la rue Mauconseil ; à cette rumeur se joignaient de temps à autre les sourds roulements du tambour et les sons lugubres des clairons. Soudain le vieux paysan entendit répéter de bouche en bouche autour de lui, avec un accent à la fois sinistre et courroucé : « Voici l’enterrement de ce pauvre Perrin Macé ! » Puis tous les passants et grand nombre de marchands et d’apprentis, laissant leurs boutiques sous la garde des femmes de comptoirs, coururent aux abords de la rue Mauconseil et de la rue Où-l’on-cuit-les-oies, qui lui fait presque face et par la-