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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 9.djvu/159

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position, loin de se décourager, sentit qu’il lui fallait, au contraire, redoubler d’audace, de sang-froid, de prévoyance ; aussi, pleine de foi dans sa mission divine, elle se dit, selon son proverbe favori : Aide-toi… le ciel t’aidera.

Le soleil se levait derrière les coteaux boisés de la Loire et les rideaux de peupliers qui ombragent ses bords lorsque les premiers rangs des miliciens arrivèrent sur le rivage. Leur déconvenue fut d’abord profonde à la vue du petit nombre de bateaux qui les attendaient ; mais Jeanne, ne leur laissant pas le temps de la réflexion, s’écria :

— Que les plus hardis me suivent ! les autres viendront ensuite !…

Ce fut alors à qui se précipiterait dans les chalans, afin d’être compté par l’héroïne au nombre des plus hardis ; elle abandonne sa monture à un valet chargé de la reconduire à la ville, se jette dans un batelet, seulement accompagnée de son écuyer, de son page et d’un marinier chargé de ramer ; puis elle circule plusieurs fois autour des bateaux, veillant à ce qu’ils ne soient pas encombrés outre mesure ; chacun des miliciens ayant à grand cœur d’être nombré parmi les intrépides, ils luttaient d’empressement à s’embarquer. Enfin, les chalans remplis, leurs voiles se déploient, le vent, favorable, soufflant alors vers la rive gauche du fleuve, ils s’éloignent de la grève, précédés de plusieurs batelets où se trouvent les échevins, maître Jean et quelques-uns de ses coulevriniers, les autres étant montés à bord des bateaux avec Jeannette et Jeanneton, les deux gentilles couleuvrines, placées sur leurs petits chariots. Le premier des batelets d’avant-garde porte la Pucelle, revêtue de sa blanche armure dorée par les premiers feux du soleil ; debout, immobile à la proue du léger esquif, appuyée sur la lance de son étendard, dont la brise matinale soulève les plis, la guerrière se dessine sur l’azur du ciel comme l’ange de la patrie.

À peine le batelet a-t-il touché l’autre bord de la Loire, que Jeanne s’élance sur la grève, range ses hommes en bataille à mesure qu’ils débarquent ; maître Jean et ses canonniers mettent à terre les deux