Aller au contenu

Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 9.djvu/161

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ouvrages et de signaler sa nouvelle victoire aux bonnes gens d’Orléans. Après une courte halte, les combattant, exaltés par le triomphe, suivent la guerrière à l’attaque du couvent des Augustins, fortifié puissamment ; il fallait l’enlever avant de commencer le siége de Tournelles, véritable forteresse élevée à l’entrée du pont de la ville. Jeanne, grâce à un hasard attribué par ses croyants à une protection divine, n’avait pas été jusqu’alors blessée, bien qu’elle eût toujours marché à la tête des siens ; mais grand nombre d’entre eux étaient tombés à ses côtés. Malgré cette réduction notable de ses forces, elle laisse derrière elle la redoute incendiée pour livrer assaut au couvent des Augustins, défendu par plus de deux mille hommes de garnison, auxquels venaient de se joindre un millier de soldats accourus des Tournelles ; grâce à ce renfort, les chefs anglais, au lieu d’attendre l’ennemi à l’abri des fortifications du couvent, se décident à tenter un coup décisif, à livrer bataille en plaine, comptant sur l’avantage du nombre, soutenus qu’ils sont par une partie des troupes de la redoute de Saint-Privé (élevée à droite et à quelque distance des Tournelles), aussi sorties de leurs retranchements afin de prendre à revers les Français. Jeanne, commandant environ quatorze cents hommes, se trouvait donc en face de plus de trois mille hommes, et menacée sur son flanc droit par un autre corps considérable.

À la vue de la supériorité numérique de l’ennemi, s’avançant, en masses compactes couvertes de fer, le rouge étendard de Saint-Georges, flottant au vent, la guerrière se recueille un instant, croise ses mains sur son sein cuirassé, lève vers le ciel son regard inspiré ; soudain elle croit entendre la voix mystérieuse de ses saintes murmurer à son oreille :

« — Va, fille de Dieu ! attaque audacieusement l’ennemi ; quelle que soit sa force, tu vaincras !… »

La Pucelle tire pour la première fois son épée, s’en sert pour désigner l’ennemi, se retourne vers ses troupes, saisit son étendard de la main gauche, et s’écrie d’une voix éclatante :