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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 9.djvu/170

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Ah ! je le disais bien, on a eu tort de tant tarder à m’employer… je ne dois pas vivre longtemps !… — Et après un moment de silence pensif, Jeanne ajouta : — Dieu vous garde ! chère compagne, je vais m’endormir… je ressens une grande fatigue, il faut pourtant que demain je sois sur pied avant l’aube !


journée du samedi 7 mai 1429.


Au point du jour, Jeanne s’arma, aidée par Madeleine, la blessure qu’elle avait reçue à la jambe lui causait une vive douleur ; aussi, quoique le trajet fût court depuis Orléans jusqu’au couvent des Augustins, elle avait demandé son cheval. Madeleine, après avoir tendrement embrassé sa compagne, la soutint pour l’aider à descendre les degrés jusqu’au seuil du logis. Là se trouvaient Jacques Boucher, sa femme et une de leurs amies, nommée Colette, épouse du greffier Millet ; tous trois, déjà levés, attendaient la guerrière pour lui adresser leurs adieux. La tristesse se peignait sur leurs traits en songeant aux nouveaux périls que l’héroïne allait braver ; elle calma de son mieux ces appréhensions, recommanda très-instamment à maître Jacques Boucher de faire proclamer que, pour le bon succès de l’assaut des Tournelles, ce fort (selon ses ordres à elle, Jeanne) devait être assailli du côté du pont, par les chefs de guerre, au moment où elle commencerait l’attaque du côté du couvent des Augustins. Les capitaines, ainsi forcés de céder à la clameur publique, n’oseraient persister dans leur coupable résolution de la veille ; il prêteraient, bon gré, mal gré, leur concours à la guerrière. Elle achevait de donner ces instructions à son hôte, lorsqu’un pêcheur vint proposer à dame Boucher une énorme alose qu’il venait de prendre dans la Loire ; Jeanne, afin de ne pas laisser ses hôtes sous une impression de tristesse, dit gaiement à Jacques Boucher :

— Messire, achetez cette alose et gardez-la pour ce soir ; je reviendrai par le pont d’Orléans lorsque nous aurons pris les Tournelles,