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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 9.djvu/255

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était lâche de fuir le danger… » Mais ma crainte des Anglais a été plus forte que le conseil de mes voix.

un juge. — Quand vous avez sauté de la tour, vouliez-vous vous tuer ?

jeanne darc. — Je voulais me sauver… et en sautant, je me suis recommandée à Dieu, espérant, avec son aide, échapper aux Anglais.

l’inquisiteur. — Après votre chute, n’avez-vous pas renié le Seigneur et ses saints ?

jeanne darc. — Jamais je n’ai renié ni Dieu ni ses saints !

un juge. — Au moment de sauter de la tour, avez-vous invoqué vos saintes ?

jeanne darc. — Oui, je les ai invoquées, malgré leur déconseil… je leur ai demandé la protection de Dieu pour la Gaule… ma délivrance… et le salut de mon âme.

l’inquisiteur. — Depuis que vous êtes prisonnière à Rouen, vos voix vous ont-elles promis votre délivrance ?

jeanne darc. — Tout à l’heure encore, elles m’ont dit : « Prends tout en gré, souffre courageusement ton martyre… tu gagneras le paradis ! »

l’inquisiteur. — Croyez-vous le gagner ?

jeanne darc, avec une conviction radieuse. — Je le crois aussi fermement qui si j’y étais déjà.

l’évêque cauchon, vivement en jetant un regard expressif aux juges. — Voilà une réponse d’un grand poids !

jeanne darc, avec un sourire céleste. — Aussi, je tiens ma croyance au paradis pour un grand trésor !…

Le rayonnement de la foi naïve de la vierge guerrière illumine ses beaux traits, leur donne une expression divine. Ses yeux noirs, brillants du doux éclat de l’inspiration, sont levés vers le ciel, un moment éclairci ; elle en contemple l’azur à travers la fenêtre du sombre édifice. Jeanne, dans le ravissement de son espoir céleste, se sent détachée de la terre… mais, hélas ! un incident puéril vient