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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 9.djvu/261

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trahison de ce prêtre, elle a puisé de religieuses consolations, de vagues espérances, dans les preuves de touchant intérêt dont il l’a hypocritement entourée et dans les nouveaux conseils qu’il vient de lui donner au sujet de son procès. Le chanoine a souvent visité la captive depuis leur première entrevue, ayant, disait-il, obtenu à grand’peine la permission de sortir de son cachot afin de venir offrir à sa chère fille en Dieu ses secours spirituels ; elle lui a ingénument raconté son interrogatoire. Le prêtre l’a félicitée d’avoir hardiment soutenu la réalité de ses apparitions et de ses révélations ; elle serait sans doute sauvée par sa sincérité à ce sujet. Mais il lui fallait éviter un autre piège, peut-être encore plus dangereux que le premier : L’un des juges (c’était lui-même) avait demandé à l’accusée « auquel des deux papes alors existants il fallait obéir ? » L’évêque ayant réservé cette importante question, elle se reproduirait lors d’un autre interrogatoire, l’accusée devait donc se mettre en mesure de répondre à ses juges sans donner prise sur elle. Rien de plus facile, selon le chanoine : on la presserait, à propos de l’obédience due au pape et à son Église, de « déclarer si elle, Jeanne, s’en rapportait absolument, aveuglément, à ses juges ecclésiastiques pour l’appréciation de ses actes et de ses paroles ? » Là était le nouveau piège (disait Loyseleur). Ses ennemis, décidés à tout tenter pour la condamner, se sentiraient bien plus forts contre elle si elle les reconnaissait pour ses juges légitimes ; si, au contraire, les récusant, elle en appelait d’eux à Dieu seul… à Dieu, le souverain juge, ils se trouveraient fort empêchés dans leurs méchants desseins.

Jeanne Darc, étrangère aux subtilités théologiques, ajouta… devait ajouter foi aux paroles du chanoine ; la machination tramée par ce monstre en soutane et par l’évêque son complice était d’une exécrable habileté. Montrant d’abord à l’accusée une voie de salut dans la pratique persévérante de l’une des plus saillantes vertus dont elle fût douée, la sincérité, il lui dit : « — Soutenez hardiment que vous avez vu de vos yeux, entendu de vos oreilles, vos visions, et vos ré-