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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 9.djvu/263

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referme la porte sur lui ; la prisonnière reste seule dans son cachot.

Jeanne Darc, en faisant sa confession générale au chanoine, en lui racontant sa vie entière, avait non moins cédé à une habitude religieuse qu’au désir d’évoquer une dernière fois à son propre souvenir tout son passé, de s’interroger scrupuleusement sur tous ses actes, en présence du sort affreux dont on la menaçait ; de rechercher enfin avec une inexorable sévérité envers elle-même quels reproches on pouvait lui adresser ? sur quoi ces prêtres se fondaient pour l’envoyer au bûcher ? La seule pensée de ce supplice, être brûlée vive… causait souvent à l’héroïne, malgré sa bravoure guerrière, une défaillance, une terreur invincibles !… Les causes de cette terreur étaient diverses… d’abord la honte de se voir traînée au supplice comme une infâme criminelle à la face du peuple, les tortures atroces que l’on devait endurer en sentant les flammes dévorer votre chair vive… mais ce qui inspirait surtout une horreur insurmontable à la chaste jeune fille, c’était la crainte d’être conduite au bûcher demi-nue… Elle avait plusieurs fois, à ce sujet, interrogé en frissonnant le chanoine Loyseleur, et appris de lui « que l’on menait les hérétiques, hommes ou femmes, à la mort sans nul autre vêtement qu’une chemise, et coiffés d’une sorte de grande mitre en carton où l’on inscrivait les crimes damnables du patient. » À cette idée de paraître aux regards grossiers de la foule les jambes, les bras, les épaules, le sein nus, le corps à peine voilé d’une toile de lin, tout ce qu’il y avait d’honnêteté, de fierté, de pudeur, dans l’âme virginale de Jeanne Darc frémissait, se révoltait, s’épouvantait ; en ces moments de désespoir éperdu, elle se sentait résignée à consentir à tout ce que ses juges voudraient exiger d’elle, à la seule condition d’échapper à l’ignominie mortelle dont on la menaçait. En vain ses voix, les voix de sa conscience, de son courage, lui disaient :

« — Souffre vaillamment ton martyre jusqu’à la fin… l’ombre même d’une action mauvaise ne peut ternir le pur éclat de ta victorieuse et sainte vie !… Ne cède pas à une vaine honte ; la honte