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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 9.djvu/286

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aveugle désespoir !… C’était, il est vrai, quelque chose d’abominable pour la condamnée, si pure en son âme, si chaste en son corps, d’être ainsi, d’abord demi-nue, puis enfin toute nue… (le chanoine insistait sur ce tableau avec ténacité) absolument nue… abandonnée aux regards lascifs, aux railleries obscènes de la soldatesque et du peuple !… Cela sans doute durerait longtemps, très-longtemps, une heure au moins, peut-être davantage ; les Anglais se plairaient à prolonger avec une exécrable et impudique férocité l’exposition des nudités de la Pucelle… Mais, hélas ! que faire ? que faire ? comment éviter cette abomination ? Impossible, hélas ! impossible… Non ! — Et le prêtre semblait illuminé par une pensée soudaine. — Il y aurait un moyen, non point douteux, mais certain, non-seulement d’éviter ces hontes mortelles, plus redoutables à la condamnée que les tortures du supplice, mais encore de se soustraire au bûcher, mieux que cela, d’échapper aux mains des Anglais ! en un mot, grâce à ce moyen, Jeanne pourrait recouvrer sa liberté, sa chère liberté ! retourner à Domrémy près d’une famille aimée, là goûter un calme réparateur après tant de cruelles épreuves. Puis, sa santé revenue, la vierge guerrière achèverait sa mission divine, revêtirait son armure de bataille, appellerait aux armes les vaillants, et, à leur tête, chasserait enfin complètement les Anglais hors de France !

Jeanne Darc croyait rêver en écoutant le chanoine ; son âge, ses larmes, ses gémissements, le constant intérêt qu’il témoignait à la captive depuis son emprisonnement, éloignaient de son esprit tous mauvais soupçons. Stupéfaite, elle interrogea le prêtre sur ce moyen, disait-il, si certain d’échapper à des ignominies pires que le supplice et de recouvrer sa liberté.

Le tentateur poursuivit avec une infernale habileté son œuvre de ténèbres. Il commença par demander à l’héroïne si, en son âme et conscience, elle ne regardait point ses juges comme des monstres d’iniquité, de noirceurs ? De ceci elle convint aisément. Dès lors, pourrait-elle se croire engagée, obligée par des promesses faites à ses