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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 9.djvu/292

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tolique et romaine, que Notre-Seigneur Jésus-Christ a bâtie de sa main droite ! Mais il est, hélas ! des âmes perverses, abominables, idolâtres (il désigne du geste Jeanne Darc), chargées de crimes hérésiarques, qui se dressent avec une infernale audace contre l’unité de notre sainte Église, au grand scandale, à la douloureuse épouvante des bons catholiques… (À Jeanne Darc d’une voix menaçante.) Te voici sur un échafaud, à la face du ciel et des hommes, la lumière entrera-t-elle enfin dans ton âme orgueilleuse et diabolique ? soumettras-tu enfin humblement à l’Église militante tes actes et tes paroles ? actes énormes ! paroles monstrueuses ! selon le jugement infaillible des prêtres du Seigneur ! Réfléchis et réponds… sinon, l’Église t’abandonne au bras séculier. »

Ces paroles du prélat produisent une grande agitation dans la foule ; la majorité des assistants est hostile à Jeanne Darc, un petit nombre la prend en pitié. Ces divers sentiments s’expriment par des cris, des imprécations, et quelques paroles charitables.

— Quoi ! elle n’est pas condamnée, la sorcière !

— On lui laisse une porte de salut pour s’échapper !

— Par saint Georges ! foi d’archer anglais ! je mets le feu à la maison de l’évêque si cette ribaude n’est pas sur l’heure menée au bûcher !

— On lui ferait grâce ! et elle a exterminé par ses maléfices notre invincible armée !

— Ils veulent la sauver !

— Puissent-ils réussir !… pauvre fille ! elle a tant souffert !

— Est-elle pâle et amaigrie ! elle a l’air d’un fantôme ! On la disait si belle !

— C’est pour la France qu’elle s’est battue… et nous sommes Français, après tout !

— Ne parlez pas si haut, mon compère, les soldats anglais pourraient vous entendre.

— Jésus ! mon Dieu ! la brûler ! elle si vaillante ! si pieuse !

— Est-ce donc sa faute si Dieu l’a inspirée !