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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 9.djvu/306

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la fin de la journée, de vagues ressentiments, avant-coureurs du prochain et redoutable réveil de sa conscience, ayant jeté quelque troublé dans son esprit, elle avait cherché dans le sommeil autant un repos réparateur que l’oubli d’elle-même… Cet espoir fut trompé…

Sainte Marguerite et sainte Catherine apparurent en songe à l’héroïne, non plus souriantes et tendres, mais tristes, menaçantes, et lui reprochant d’avoir lâchement renié la vérité par peur de la honte et du bûcher. Profondément impressionnée par ce rêve, Jeanne se réveilla en sursaut, le visage inondé de larmes ; et, l’hallucination prolongeant les visions de son rêve, elle crut voir… elle vit les deux saintes coiffées de leur couronne d’or, vêtues de blanc et d’azur, se dessiner lumineuses, presque transparentes, au milieu des ténèbres de la chambre.

Jeanne, palpitante, les mains jointes et agenouillée sur sa couche, sanglotait, implorant son pardon. Les deux saintes, sans répondre, lui montrèrent le ciel d’un geste significatif et redoutable ; puis, l’hallucination cessant peu à peu, l’apparition pâlit, s’effaça, et l’obscurité redevint profonde…

L’héroïne, brusquement arrachée au sommeil du corps par l’impression d’un songe, sentit aussi se réveiller sa conscience, endormie depuis son abjuration ; cette solennité funeste se retraça dans toute son horreur au souvenir de Jeanne ; elle crut encore entendre les malédictions dont l’avaient accablée ceux qui d’abord la plaignaient. Cette accusation terrible et légitime retentissait de nouveau à son oreille :

« — Si les visions de Jeanne sont inventions et fourberies, elle a trompé les simples… elle a menti !…

» — Si ces visions sont réelles, si Dieu l’a inspirée, elle se couvre de honte en abjurant avec une lâcheté sacrilège par la peur de la mort !… »

Lâche ou menteuse, — répétaient à Jeanne les voix inexorables de son honneur et de la vérité ; — lâche ou menteuse ! telle est la