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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 9.djvu/60

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Gaule ; tu es la vierge guerrière dont Merlin a prophétisé la venue !… »

Enfin, le grand-oncle de Jeanne, nommé Denis Laxart, habitait Vaucouleurs ; il connaissait depuis longtemps le commandant de la garnison, Robert de Baudricourt, capitaine renommé dans le pays, abhorrant les Anglais, ardemment dévoué au parti royaliste ; souvent Jeanne, tendrement affectionnée de Denis, l’interrogeait sur le capitaine Robert de Baudricourt, sur son caractère, sur son affabilité, sur la manière dont il accueillait les pauvres gens ; le bon Denis, dans sa simplicité, ne soupçonnant pas le motif des questions de sa nièce, les attribuait à une curiosité de jeune fille, et lui répondait « — que Robert de Baudricourt, aussi brave soldat que brutal et violent, envoyait d’ordinaire tout le monde au diable ; c’était enfin un terrible homme dont il avait grand’peur, et qu’il n’abordait jamais qu’en tremblant.

» — Il est dommage qu’un si bon capitaine soit d’un si aigre abord et si rude homme, » — disait Jeanne à son oncle en soupirant. Et elle changeait d’entretien, pour y revenir plus tard.




Jeanne atteignit la fin de sa dix-septième année ; les temps étaient venus…

Vers les derniers jours du mois de février 1428, une petite troupe de soldats, retournant en Lorraine auprès de leur duc, appartenant au parti armagnac, firent halte à Domrémy ; les villageois, hospitaliers, emmenèrent cordialement ces étrangers, qui l’un, qui l’autre, dans leurs maisons. Il échut en partage à Jacques Darc un sergent d’armes ; la famille lui fit bon accueil, les jeunes gens l’aidèrent à se débarrasser de son casque, de son bouclier, de sa lance et de son épée ; ces armes brillantes furent déposées dans un coin de la salle où Jeanne et sa mère s’empressaient de préparer le repas de leur hôte. La vue de ces armes qu’il venait de quitter fit tressaillir la jeune