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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 9.djvu/94

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— Je crois mon idée bonne ; vous la jugerez à l’œuvre. Maintenant, résumons et arrêtons notre plan de conduite : premièrement, obtenir du roi qu’un concile de matrones soit appelé à connaître publiquement de la virginité de notre aventurière ; secondement, dans le cas où elle sortirait triomphante de cette épreuve, convoquer un conseil canonique chargé de poser à cette fille, qui sort de son village, les plus subtiles, les plus ardues, les plus embarrassantes questions théologiques, et de déclarer d’après ses réponses… (songez à ce que seront les réponses d’une malheureuse paysanne sur de pareilles matières !…), de déclarer, dis-je, qu’elle est ou n’est pas inspirée de Dieu. Enfin tiercement, si, par impossible, ce second examen lui est encore favorable, manœuvrer de telle sorte qu’elle perde sa première bataille et reste, si faire se peut, prisonnière des Anglais…

Un écuyer de Charles VII entre en ce moment, après avoir frappé à la porte de la chambre du conseil, et vient prévenir le sire de La Trémouille que le roi le mande à l’instant.


Charles VII, ce gentil dauphin de France, objet du culte fervent et naïf de Jeanne, reléguée depuis tant de jours dans la tour du Coudray sans avoir pu approcher de ce roi qu’elle voulait sauver de sa ruine ; Charles VII, après s’être longuement entretenu avec le sire de La Trémouille, vint trouver sa belle maîtresse, Aloyse de Castelnau. Il devisait avec elle, indolemment étendu à ses pieds. Frêle et de petite stature, ce prince, quoique âgé de vingt-trois ans à peine, était déjà pâli, flétri, énervé, par les excès ; Aloyse, dans tout le florissant éclat de sa jeune beauté, répondait à une plaisanterie obscène de son royal amant à propos de Jeanne-la-Pucelle, et, riant à demi, disait :

— Fi ! Charles… fi ! libertin ! tenir de tels propos sur cette vierge inspirée qui prétend un jour te rendre ta couronne !

— S’il en doit être ainsi, les vues du Seigneur Dieu sont étran-