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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés III (1850).djvu/119

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Était-ce de la part de la jeune fille temporisation nécessaire ? oubli ? manque de foi ? connaissance récente du caractère de Roberi ? ou soumission aux volontés de son père, qui voulait, dit-on, lui faire épouser le comte Duriveau ? était-ce enfin amour pour le prince de Montbar ?

Au milieu de ces perplexités, mes craintes changeaient alors d’objet, sans être pour cela moins vives. Quel choix, mon Dieu, pour Régina entre ces trois hommes :

— Robert de Mareuil,

— Le comte Duriveau

— Ou le prince de Montbar, — si celui-ci, comme je le soupçonnais, était l’inconnu du cabaret des Trois-Tonneaux !…

Peut-être pourtant me trompais-je au sujet de ce dernier… Cette erreur était la seule chance heureuse qui restât à Régina, et j’en jure Dieu… je la lui désirais de toutes les forces de mon âme… La savoir heureuse et aimée d’un époux digne d’elle… pour moi qui n’espérais rien de mon amour… cette consolation m’eût paru grande…

 
 

Harassé de lassitude, l’esprit fatigué par les nombreux et singuliers événements de cette journée, j’imitai mes maîtres.

Plusieurs violents coups de sonnette m’éveillèrent en sursaut.

Il faisait grand jour. J’allai ouvrir à un tailleur chargé d’un gros paquet d’habits confectionnés d’avance ; Robert de Mareuil avait fait sans doute cette commande la veille. Triste ressource pour un jeune homme habitué à toutes les minuties, à tous les scrupules d’une toilette recherchée ; mais le temps pressait, les habits de Robert de Mareuil étaient si piètres, si usés, qu’il valait mieux encore pour lui se présenter le jour même à Régina, vêtu au moins convenablement.

Du reste, tels étaient l’extérieur distingué, la bonne grâce et l’élégance naturelle de Robert, que, malgré la mode sans doute un peu surannée de ces habits, il paraissait mis avec le meilleur goût. À