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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés III (1850).djvu/134

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sont joliment revengés ; ils l’ont entraîné dans le bois, et sans une ronde de gendarmes on ne sait pas ce qu’il serait devenu…

— C’est ça qui est bien fait…

— Eh ! mon Dieu !… tiens, mademoiselle de Noirlieu, que nous avons amenée aujourd’hui au Musée avec M. le comte, était de la même partie, elle avait aussi été enlevée par ces petits bandits. Elle avait huit ou neuf ans alors… Je n’oublierai jamais ça ; quelle drôle de scène !

Régina était au Musée, je continuai d’écouter, espérant apprendre autre chose.

— Hum ! — dit celui des deux laquais qui cherchait une place pour son compagnon, — ça doit être un dur service avec un gamin pareil ?

— Bah ! on s’y accoutume, et puis il n’y a pas grand chose à faire, on est deux pour son antichambre.

— Ma foi ! s’il est si méchant qu’on dit, il n’y a pas de presse.

— C’est pas encore tant méchant que méprisant qu’il est… Tiens, il y a deux ans il avait été avec trois de ses camarades et son grand farceur de gouverneur dîner à Sceaux… chez un restaurateur ; le gouverneur que ça n’amusait guère et qui avait choisi Sceaux exprès, attable les trois gamins, prend la voiture et file chez une femme qui habitait Châtillon…

— À la bonne heure ! voilà un gouverneur !

— Quand nous sommes revenus, les gamins avaient fait monter une petite chanteuse des rues de treize ou quatorze ans qui jouait de la guitare, et ils lui avaient fait tant d’horreurs et l’avaient tant maltraitée, le petit vicomte surtout, que c’était comme une émeute autour du restaurant ; on voulait faire un mauvais parti au petit vicomte et à ses amis. Mais… — dit tout à coup le laquais à son camarade, — je te raconterai cela une autre fois… voilà mon maître… quand je te reverrai, nous parlerons de la place…

Ce disant, le valet de pied du comte Duriveau se dirigea en hâte vers le perron, dont je m’approchai aussi, supposant que Robert de Mareuil, mon maître, ne devait pas arriver longtemps après Régina ; je la vis s’arrêter sur le perron ; elle donnait le bras à un