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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés III (1850).djvu/163

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Basquine ; — dame… après tant d’années d’absence… nous voir enfin réunis…

— Vous retrouver le même jour… toi, — me dit Basquine en me tendant la main. — Et toi ! — ajouta-t-elle en donnant son autre main à Bamboche.

— Tu ne m’en veux plus ? — lui demanda Bamboche presque avec crainte.

— Entre nous trois… ne devons-nous pas tout nous pardonner ? — dit doucement Basquine ; puis un éclair brilla dans ses yeux, sa lèvre sardonique se contracta, et elle ajouta :

— C’est pour d’autres qu’il faut cultiver nos haines.

— Il y a donc longtemps que tu n’avais vu Bamboche ? — demandai-je à notre compagne.

— Trois ans, — me répondit-elle.

— Oui… trois ans, — reprit Bamboche sans oser, pour ainsi dire, regarder Basquine.

— Ainsi, tu ignorais qu’elle dût jouer ce soir ? — dis-je à notre ami.

— Je ne la savais pas à Paris, et je n’avais pas seulement lu l’affiche, — reprit-il. — Quand je suis entré dans ma loge, le tapage commençait… cabale montée, j’en suis sûr… par ces méchants gants jaunes de l’avant-scène. Malheureusement… je n’ai eu que le temps de les souffleter.

— Dans cette loge, tu l’as reconnu ? — lui dis-je.

— Qui ?

— Scipion !… le petit vicomte !

— Le gamin de la forêt de Chantilly ! — s’écria Bamboche.

— Martin a raison, — dit Basquine d’une voix sourde, — c’était le vicomte.

— Tu le savais donc là ? toi, ma pauvre Basquine, — lui demandai-je.

— Non ; tout entière à mon rôle, je ne me doutais pas de la présence du vicomte ; sans cela, je me serais attendu à tout de lui…

— Pourquoi donc ? — dis-je à notre compagne.