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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés III (1850).djvu/166

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vois-je | le petit châle de Basquine et quelques-unes des pièces d’argent au milieu d’une mare de sang.

— Raconte-lui tout, — dit Basquine à Bamboche, — il saura ensuite ce qui m’est arrivé.

— Je finissais d’empocher l’argent de Claude Gérard, quand tu nous as donné le signal d’alarme, — reprit Bamboche, — je voulais aller à ton secours.

— C’est moi qui l’en ai empêché, — dit Basquine ; — nous nous perdions sans te sauver, Martin, et il m’était venu un autre projet…

— Tu avais raison ; Claude Gérard fût facilement venu à bout de moi et de Bamboche…

— Peut-être… car j’avais mes pistolets… — reprit celui-ci, — j’étais déterminé… il y aurait peut-être eu un meurtre… ce qui est arrivé vaut mille fois mieux… quoique j’aie manqué de laisser ma peau dans l’affaire… Je suis donc le conseil de Basquine… Te voyant pris, nous nous sauvons en nous faufilant au milieu des genêts ; nous trouvons, au bout du champ, un tas de fagots ; j’en déplace trois ou quatre, et nous nous blottissons dans cette cachette.

— Voilà quel était mon projet, — reprit Basquine, — nous devions d’abord t’attendre toute la nuit au rendez-vous convenu… si tu n’y venais pas, plus de doute, tu étais pris : nous voulions alors le lendemain parcourir le village, soit en mendiant, soit en chantant, et, une fois instruits de ton sort, nous aurions agi en conséquence.

— Mais le diable en a voulu autrement, — reprit Bamboche.

— Oui, — lui dis-je, — le diable ou le cul-de-jatte ?

— Comment sais-tu cela ? — s’écrièrent à la fois Basquine et Bamboche.

— Continuez… continuez, mes amis.

— Eh bien ! tu ne te trompes pas, — reprit Bamboche, — le cul-de-jatte en a décidé autrement ; car, comme dit Basquine, il y a de singulières fatalités… Donc, une fois la nuit venue, nous avions été t’attendre à notre rendez-vous ; il faisait un clair de lune superbe. Assis au pied de la croix de pierre, je m’amusais à compter notre argent dans le châle de Basquine… La route était déserte ; nous nous