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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés III (1850).djvu/211

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rompant. — Il y a de la grosse ouvrage dont tu ne dois pas t’occuper… ça te salirait les mains, tu es trop délicat ! D’ailleurs, sois tranquille… nous ne ferons rien sans ton avis… Mais au diable les affaires pour ce soir… ça nous vole notre meilleur temps… Nous n’avons plus rien à nous apprendre, régalons-nous un peu du temps passé ; commençons les : — Te souviens-tu ? — et soupons… Moi, la joie m’allonge les dents. Heureusement, j’avais fait préparer à souper pour moi et pour feu Madame la capitainesse Bambochio. À table, mes amis… à table… Ça ne vaudra peut-être pas la cuisine de ce pauvre Léonidas Requin. Vous souvenez-vous ? quels fameux ragoûts de mouton il nous faisait !

— Et les matelottes donc… il y excellait… en sa qualité d’homme-poisson, — dit Basquine, en cédant ainsi que moi au joyeux entraînement de Bamboche.

— Et sa manière d’éloigner les curieux, — dis-je à mon tour, — lorsqu’ils venaient l’étudier de trop près dans sa piscine… vous rappelez-vous ?

— Pardieu si, je m’en souviens, — dit Bamboche en approchant du feu une table somptueusement garnie qu’il alla chercher dans son salon, où elle était toute préparée… — C’est lors de notre dernière représentation chez la Levrasse, que Léonidas a fait sa plus belle peste en manière de niche aux curieux !… J’étais dans la seconde enceinte, et j’ai senti cette odeur empoisonnée… c’était à étrangler…

— Et ce jour-là même, pauvre Basquine, — lui dis-je, — te souviens-tu du danger que ce monstre de mère Major t’a fait courir… tu te rappelles ! dans la pyramide humaine.

 
 

Et sous le charme irrésistible de ces mots magiques pour des amis d’enfance, enfin réunis après une longue séparation : — te souviens-tu ?… tout aux souvenirs de notre vie passée, nous oubliâmes le présent et l’avenir, dans ce cordial souper qui dura jusqu’au jour.