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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés III (1850).djvu/282

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— Je sais, Monsieur, que jamais je ne rencontrerai un maître comme vous… cependant…

— Tu voudrais encore servir ?… — me dit le docteur en me regardant avec stupeur.

— Oui… Monsieur… mais…

— Mais ?

— Il n’est qu’une personne au monde que je voudrais servir.

— Qui cela ? Mon fils, peut-être ?

— Non, Monsieur… quoique je sache toute la noblesse de son cœur.

— Qui donc voudrais-tu servir alors ?

— Monsieur… accordez-moi une grâce.

— Parle.

— Soyez assez confiant en moi pour me promettre de ne pas m’interroger sur les motifs de la demande que je vais vous faire… ces motifs sont honorables, purs, je vous le jure…

— Je te crois… Je les respecterai…

— Eh bien ! Monsieur… si… un jour… par un événement quelconque, je devais être séparé de vous, je vous supplierais de me faire entrer, par votre protection, au service de…

— Achève !

— De Madame la princesse de Montbar.

À ces mots, mon maître, d’abord presque pétrifié, parut ensuite ressentir une satisfaction si inespérée, qu’à mon tour je le regardai avec surprise…

— Il est des rencontres de pensée bien étranges, — dit-il d’un air pensif et pénétré.

— Comment cela, Monsieur ?

— Si j’avais soupçonné qu’au lieu d’accepter l’indépendance que je t’offrais, tu pouvais penser à servir quelqu’un, je t’aurais demandé comme une grâce… comme un sacrifice, d’entrer chez Madame de Montbar…

— Il serait vrai, Monsieur !!

— Tu la connais ?

— Monsieur…