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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés III (1850).djvu/284

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Je tressaillis ; le nom du comte Duriveau me vint aux lèvres : le vieillard reprit sans remarquer mon émotion.

— Deux fois cet homme a été dédaigneusement refusé par Mademoiselle de Noirlieu, refus d’autant plus sanglant pour lui, qu’il était durement motivé par cette fière et courageuse jeune fille. De là, la haine implacable de ce misérable… Il y a peu de jours, j’ai appris… de science certaine… trop certaine… que, lors du mariage de Mademoiselle de Noirlieu avec le prince, l’homme dont je te parle a dit : — Mademoiselle de Noirlieu m’a insolemment dédaignéje me vengerai d’elle à tout prix… — et il est malheureusement probable que l’heure de sa vengeance approche ; car il a dit récemment : Ma vengeance marche !… Cet homme se nomme le comte Duriveau…

— Je n’oublierai pas ce nom, Monsieur.

— Prends garde !… Pour parvenir à ses fins, il est capable de tout… les moyens les plus bas, les plus ténébreux, les plus diaboliques, ceux-là surtout : soudoyer des domestiques, introduire peut-être dans la maison de la princesse une créature à lui… attirer cette malheureuse femme dans quelque piège horrible… que sais-je ? Imagine ce que l’âme la plus noire, la plus impitoyable, et, il faut le dire aussi, la plus intrépidement mauvaise, peut tramer de plus abominable, et tu seras encore au-dessous de la réalité.

— Mais c’est un monstre ! — m écriai-je.

— C’est un monstre… et c’est parce que cet homme peut être horriblement dangereux pour la princesse que je meurs heureux de te savoir là, près d’elle… au sein de son foyer… Aussi, observe, épie, écoute, veille… interroge… défie-toi de tout ce qui te paraîtra suspect, défie-toi même de ce qui te paraîtra innocent, car la haine de cet homme saura prendre tous les masques, tous les détours pour arriver à son but… Que ta surveillance soit de tous les instants… et je ne sais quel pressentiment me dit que tu sauveras peut-être cette femme angélique d’un grand péril.

— Mais, Monsieur, avez-vous au moins prévenu la princesse du péril qu’elle court ?

— Oui… mais dans sa courageuse fierté elle a ri de mes craintes,