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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés III (1850).djvu/298

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Un moment éloignés par la force des circonstances, M. Duriveau, M. de Montbar renouvelèrent leurs instances auprès de Mlle de Noirlieu. Toujours sincère, elle ne cacha pas à M. Duriveau sa profonde antipathie, et dit à M. de Montbar :

— « Liée par une promesse sacrée, j’ai dû refuser de vous épouser ; un funeste événement m’a rendue libre ; j’accepte l’offre de votre main, et vous pourrez compter sur un cœur loyal et digne de vous. » Le prince, passionnément épris de Régina, parvint à surmonter la résistance du baron de Noirlieu, qui tenait toujours pour M. Duriveau, et, au dépit furieux de celui-ci, le mariage eut lien.

Pendant six mois la princesse de Montbar parut la plus heureuse des femmes ; mais au bout de ce temps, une grande froideur régna tout à coup entre le prince et sa femme ; celle-ci tomba dans une mélancolie profonde dont le docteur Clément avait été douloureusement alarmé ; le prince parut aussi pendant quelque temps sombre, agité, car il adorait, disait-on, sa femme… Puis à cette tristesse succéda chez lui une indifférence, réelle ou feinte ? on ne savait.

La santé de la princesse s’altérait de plus en plus… lorsque, environ deux mois avant la mort du docteur Clément, un changement extraordinaire se remarqua dans les habitudes de Mme de Montbar ; elle avait depuis longtemps vécu retirée, dans une solitude presque complète ; soudain elle rechercha le tumulte des fêtes ; jeune, spirituelle, charmante, la princesse de Montbar fut bientôt une des femmes les plus entourées de Paris ; les hommes à la mode se disputèrent ses moindres préférences, mais la médisance continua de respecter la vie de Régina.

La position de la princesse de Montbar, ainsi résumée dans nos entretiens avec Claude Gérard, il approuva, il encouragea ma résolution. Je devais, selon lui, poursuivre jusqu’au bout mon œuvre de dévouement ignoré de Régina, dévouement qui m’était alors doublement imposé et par mes propres sentiments et par le vœu suprême du docteur Clément, dont la bonté généreuse m’avait mis pour toujours au-dessus du besoin.

« Une fois cette œuvre accomplie, autant qu’il aura été en toi de l’accomplir, — me dit Claude Gérard en nous quittant, — tu revien-