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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés III (1850).djvu/317

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— Vous direz alors à la porte, que dans le cas où il viendrait pour moi une lettre de madame Wilson, on me la monte à l’instant.

— Oui, Madame la princesse…

— Et Madame Lallemand ?

Je l’ai vue, Madame la princesse ; elle demeure au troisième étage de la maison dont Madame m’a donné l’adresse…

— Vous l’avez prévenue que j’irais la voir demain matin ?

— Oui, Madame la princesse.

— Il y a là bien de la misère sans doute… — me demanda tristement Régina.

— Oui, Madame… une bien cruelle misère.

— Et cette femme, j’en suis certain, est intéressante ?

— Je crois qu’elle mérite toutes les bontés de Madame la princesse.

— Allons, tant mieux ; car…

Puis, s’interrompant, la princesse me dit en regardant la petite table placée à côté de son fauteuil :

— Quelqu’un est donc entré ici pendant mon absence ?

— Je l’ignore, Madame la princesse, — répondis-je avec un embarras stupide, car je ne doutais pas de la cause de l’étonnement de la princesse, et je tremblais d’être soupçonné.

— C’est singulier, — dit madame de Montbar, et se retournant, elle me regarda fixement.

Je m’abusais sans doute, mais il me sembla lire sur sa physionomie une expression d’étonnement et de défiance. Je me troublai tellement, que, malgré moi, je devins pourpre, et, au lieu de lui dire, chose bien simple pourtant, que, devant moi, le prince était sorti du salon des tableaux, je restai muet, aussi péniblement ému que si j’avais été coupable. Sentant néanmoins le danger de ma position, j’allais faire un effort pour éloigner de moi tout soupçon, lorsque la princesse me dit sèchement :

— Vous demanderez ma voiture pour huit heures et demie…

Et la princesse, après avoir un instant chauffé ses pieds au feu de son parloir, entra dans la galerie des tableaux qui précédait sa chambre à coucher, et disparut.

Navré de ma maladresse, je descendis chez le portier afin d’exé-