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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés III (1850).djvu/331

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fondée ; n’ayant vu mes nouveaux camarades que le matin à déjeuner et le soir au dîner, repas assez court et dont ma présence, à moi nouveau venu, avait nécessairement dû bannir la confiance et la liberté habituelles, je n’avais pu rien observer.

La réunion du soir, plus animée, plus intime, allait peut-être faciliter mes remarques ; d’ailleurs, à la première vue mes compagnons de domesticité semblaient braver le soupçon : Mademoiselle Juliette et une autre femme de la princesse, chargée de la lingerie, toutes deux assez jeunes et dont l’une, Mademoiselle Juliette, était fort laide, paraissaient d’honnêtes et inoffensives créatures ; le valet de chambre du prince, vieux serviteur qui l’avait vu naître, me paraissait ne devoir pas exciter la moindre défiance, et le maître d’hôtel, homme grave, minutieux, paraissait continuellement absorbé par l’importance de ses fonctions. Quant à notre chef de cuisine (je ne parle du garçon et de la fille de cuisine que pour mémoire), il eût fallu un regard bien prévenu pour chercher un ténébreux machinateur sous son masque débonnaire, pâle et bouffi.

Parmi les gens de la maison, les personnages dont je viens de parler assistaient seuls au thé, car il régnait une sorte de démarcation entre eux, domestiques tout à fait d’intérieur, et les valets de pied, gens de livrée ou d’écurie qui ne vivent pas dans l’intimité du foyer.

Lorsque j’entrai dans la chambre de Mlle Juliette, mes compagnons et la plupart des invités étaient déjà réunis.

Je me souvins à ce moment des révélations dont l’entretien de plusieurs valets de pied, rassemblés autour du perron du Musée, avait été si prodigue ; je devais entendre dans cette soirée trahir des secrets domestiques d’une bien autre importance que ceux que j’avais déjà surpris ; et la vie de bien des personnages éminents envisagés sous ce point de vue intime, allait s’offrir à moi sous l’aspect le plus singulier.

FIN DU TOME TROISIÈME.