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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés III (1850).djvu/45

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vous la prendrez quand vous serez tout à fait remis, car le médecin a dit qu’il vous fallait des soins… Ne vous inquiétez de rien, nous sommes ici une vingtaine, et avec un écot de deux sous par jour chacun, nous vous nourrirons jusqu’à ce que vous soyez vaillant.

 
 

Grâce à Dieu, le temps de mes plus rudes épreuves était passé ; je n’ai pas besoin de dire avec quelle reconnaissance j’acceptai de ces braves gens le secours inespéré qu’ils m’offraient ; en quelques jours, je revins complétement à la santé. Instruit par l’expérience et par les préceptes de Claude Gérard, j’accomplis fidèlement et sans me trouver nullement humilié, une tâche qui me donnait un pain honorablement gagné.

Au bout de six semaines, le cocher, mon protecteur, me dit :

— Mon garçon, j’ai un beau-frère portier, rue de Provence, dans un hôtel garni ; il y a là un coin de rue excellent pour un commissionnaire actif, intelligent, et qui, comme vous, ce qui est rare, sait lire et écrire ; mon beau-frère vous répond en outre de la pratique de l’hôtel ; c’est un fixe d’à peu près cinquante sous ou trois francs par jour ; ça vous va-t-il mieux que d’être ici valet d’écurie ? Si ça vous va mieux, nous irons à la préfecture avec le beau-frère et un témoin, afin de vous faire médailler… ça n’est pas encore bien fameux ; mais vous aurez un travail moins rude qu’ici, c’est toujours du pain assuré… et puis vous verrez venir…

J’acceptai d’autant plus volontiers cette nouvelle offre, que, malgré mon zèle et mon exactitude, mes relations avec mes nombreux maîtres, généralement bonnes gens, mais quelque peu brutaux, n’étaient pas des plus agréables ; ceci soit dit sans altérer la sincère, la profonde gratitude dont je suis pénétré envers eux pour l’aide qu’ils m’ont portée dans la situation la plus cruelle de ma vie.