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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés III (1850).djvu/94

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Le marchand, interrompant le jouvenceau, dit vivement à la vieille :

— Tu ne l’as donc pas averti que ça ne se pouvait pas ?

— Je le lui ai dit, archi répété, — grommela la vieille ; — il a voulu rester…

Alors, s’adressant à l’adolescent, M. Bonin lui dit d’un ton fort significatif :

— Bonsoir, jeune homme.

Et il lui tourna brusquement le dos.

— Mais, Monsieur Bonin, — reprit le jouvenceau d’une voix suppliante, — je vous en supplie… si vous saviez… je vais vous expliquer pourquoi je…

— Inutile… inutile… — s’écria M. Bonin, sans même regarder l’adolescent, — j’ai dit non… c’est non… Bonsoir.

— Mais, Monsieur Bonin… je vous en conjure… écoutez-moi donc.

— Allez vous coucher, jeune homme, ça vous rafraîchira le sang, — dit M. Bonin au jouvenceau, — encore une fois, bonsoir.

Puis, s’adressant au chasseur, le marchand de jouets d’enfants lui dit :

— Vous venez de la part du duc ?

— Oui, Monsieur ; voilà une lettre de mon maître…

Au moment où le chasseur remettait son message à M. Bonin, l’adolescent, furieux sans doute d’être ainsi humilié devant témoins, s’écria :

—— Eh bien ! puisqu’il en est ainsi, je vous dénonce comme un fripon que vous êtes, Monsieur Bonin ;… je dirai que je ne songeais pas à mal, lorsque j’ai reçu une lettre dans laquelle on me disait qu’une personne sachant que mon père était riche, me proposait des avances sur l’héritage qui me reviendrait un jour… Je dirai…

— Ta, ta, ta, vous direz, vous direz !  ! quoi ? que direz-vous ? Voilà comme sont ces petits messieurs-là, — reprit le marchand en haussant les épaules avec une expression de dédaigneuse insouciance, — ils viennent vous proposer d’escompter la mort de papa ou de maman, parce qu’ils n’ont pas la patience d’attendre l’héritage dont