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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés II (1850).djvu/145

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mal qu’il avait fait, de douloureuse récrimination contre la fatalité de sa destinée qui l’avait poussé au mal, et d’une tendance sincère à rentrer dans la voie du bien.

 
 

Nous nous étions fait deux lits de bruyère et de mousse, l’un pour moi dans la première pièce de la masure, l’autre pour Basquine et pour Bamboche dans la seconde pièce…

Cette nuit-là, Bamboche partagea ma couche après avoir baisé Basquine au front, en lui disant :

— Bonsoir, ma sœur.

 
 

Bamboche dormit peu, je le sentis s’agiter pendant toute la nuit ; plusieurs fois il soupira profondément ; à la première lueur du crépuscule, il m’éveilla. Sa physionomie était pensive, douce et grave.

Nous entrâmes dans la pièce où dormait encore Basquine ; elle avait le sommeil léger comme celui d’un oiseau. En nous entendant, elle ouvrit ses grands yeux, et nous regarda, souriante et étonnée.

Nous sortîmes tous trois.

Quelques étoiles scintillaient encore ; le Levant commençait à s’empourprer ; l’air était d’une fraicheur délicieuse ; mille senteurs aromatiques s’exhalaient des herbes baignées de rosée… La matinée s’annonçait digne de la soirée de la veille.

— Écoute, Basquine… écoute, Martin, — nous dit Bamboche en nous faisant asseoir à ses côtés sur l’un des blocs de rochers qui bordaient la pelouse, — il faut que nous nous parlions franchement, que chacun dise son idée sans honte… nous ne sommes que nous trois.

Basquine et moi, surpris de l’accent sérieux de Bamboche, nous le regardâmes en silence ; il continua :

— Pour vous mettre à l’aise… je vais commencer… vous vous moquerez de moi après si vous voulez… mais je serai franc…

— Nous moquer de toi… et pourquoi ? — lui dis-je.

— Parce que je caponne… parce que je renie le cul-de-jatte dont