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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés II (1850).djvu/211

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effet, Claude Gérard y vient à peu près régulièrement une fois par semaine, il a tellement ensorcelé le directeur, que pour M. Claude Gérard la règle de la maison est violée et l’on consent à le recevoir assez tard dans la nuit.

« La personne qu’il vient visiter si assidument est une femme de vingt-six à vingt-sept ans, qui, malgré sa folie, est, dit-on, d’une remarquable beauté. Quoiqu’elle ne semble pas reconnaître M. Claude Gérard, la vue de ce personnage opère cependant sur cette malheureuse une impression salutaire : elle est plus calme après ces visites ; c’est pourquoi le médecin, non-seulement les autorise, mais encore les désire.

« Comme cette femme est dans la maison par charité, elle manque de bien des petites douceurs ; pourtant de temps à autre, Claude Gérard trouve le moyen, sans doute grâce aux privations qu’il s’impose, de laisser quelque argent, bien peu de chose, il est vrai, pour subvenir aux fantaisies de cette folle.

« De ceci qu’arguer contre Claude Gérard ? Rien que d’honorable en apparence ; seulement, il est très-évident qu’il ne tient autant à rester ici qu’à cause de la proximité de notre commune avec la ville où est renfermée cette folle.

« On m’a dit encore, mais cela n’est malheureusement d’aucune importance contre lui, on m’a dit qu’avant la folie de cette femme, il en avait été éperdûment épris ; mais qu’elle l’a abandonné pour un autre, et que, par suite de son amour pour cet autre, elle était devenue insensée.

« Sans doute cette déception est pour quelque chose dans la profonde mélancolie dont Claude Gérard est évidemment rongé, malgré son apparente sérénité.

« Je vous ai dit l’influence de Claude Gérard sur la plèbe ; il faut maintenant que je vous édifie sur son influence sur des gens d’un ordre plus relevé ; ce qui me conduira naturellement à vous expliquer ensuite comment et pourquoi je crains qu’il ne me débauche cet excellent Bouchetout.

« Vous le savez : pendant très-longtemps, les riches propriétaires du pays ont lutté contre la fondation d’une école primaire dans